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GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE DE LA REDD+ EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO: Diagnostic et proposition des voies d’amélioration

International Journal of Social Sciences and Scientific Studies (2022)

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Gouvernance Institutionnelle De La Redd+ En Republique Democratique Du Congo: Diagnostic Et Proposition Des Voies d’Amélioration 

Journal homepage: ijssass.com/index.php/ijssass

GOUVERNANCE INSTITUTIONNELLE DE LA REDD+ EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO: Diagnostic et proposition des voies d’amélioration ☆

CLAUDE BOYOO ITAKA *

  1. Assistant université Pédagogique Nationale Doctorant, Université de Kinshasa

Received 9 September 2022; Accepted 03 October 2022

Available online 25 October 2022

2787-0146/© .

A R T I C L E I N F O

Keywords:

Gouvernance institutionnelle

Redd+

Diagnostic

Amélioration

A B S T R A C T

La République démocratique du Congo est l’un des pays leaders engagés, depuis 2009, au mécanisme de réduction des émissions dues à la déforestation et de la dégradation des forêts, la “REDD+”. Cet engagement s’est matérialisé notamment par la mise en place d’un arrangement institutionnel chargé de mise en œuvre, de suivi et évaluation de ce processus. Ceci traduit la volonté du pays, dont plus de 90% des émissions de GES proviennent du secteur des forêts, de faire de la REDD+ une question transversale et intégrante dans toutes les politiques publiques nationales. Cependant, en dépit de la convergence de leurs missions, ces structures fonctionnent de façon déconnectée et indépendante avec une parcelle de collaboration qui se développe difficilement. Bref, des disfonctionnements institutionnels qui réduisent les perspectives d’atteinte des objectifs climatiques du pays. Ainsi, le présent article procède au diagnostic de l’arrangement institutionnel de la REDD+ en RDC afin de proposer les voies de son amélioration.

Introduction

Depuis la création du Groupe d’Experts intergouvernementaux sur le climat en 1988 et l’adoption de la Convention cadre des Nations Unies sur le climat en 1992, le changement climatique est devenu un enjeu majeur des relations internationales.

En effet, conscients de la nécessité de combiner leurs efforts, de la dimension internationale de la menace et de leurs limites structurelles à apporter individuellement des réponses appropriées, les Etats ont mis en place une machine diplomatique pouvant leur permettre de négocier, d’apporter leurs contributions à cette riposte globale.

De toutes ces négociations, s’est installé un régime international du climat qui s’alimente et se met à jour régulièrement grâce aux contributions des scientifiques et aux nombreux accords internationaux y relatifs. Les responsabilités, généralement anthropiques, y sont établies ainsi que les pistes de solution pour arrêter l’hémorragie et identifier les voies d’un futur durable. Il convient toutefois, de noter qu’à la base de cette crise, se trouvent les émissions anthropiques de gaz à effet de serre liées aux multiples besoins d’industrialisation et aux activités économiques. Il s’agit entre autre de la consommation accrue d’énergies fossiles, de l’agriculture, de l’élevage, de l’abattage des forêts tropicales, etc. La déforestation et la dégradation des forêts représentent environ 20 % des émissions de carbone,[ https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/comprendre-limpact-de-la-foret-sur-le-climat#].Ce qui fait du secteur forestier le troisième plus grand émetteur après l’approvisionnement énergétique et l’industrie. Ainsi, pour faire face à cette situation, l’ONU a mis en place un mécanisme de réduction des émissions dues à la déforestation et la dégradation des forets (REDD+). Lequel mécanisme vise à récompenser les pays en développement qui restaurent, maintiennent ou accroissent leurs stocks de carbone forestier, [VALENTIN BELLASSEN ET ALI, 2008].

La République démocratique du Congo est l’un des pays leaders engagé, depuis 2009, au mécanisme international de réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts, connu sous le sigle “REDD+”. Cet engagement s’est matérialisé, d’une part par la mise en place des mécanismes institutionnels chargés de mise en œuvre, de suivi et évaluation de ce processus qui a été concrétisé par le Décret 09/40 du 26/11/2009 portant Création, Composition et Organisation de la Structure de mise en Œuvre du processus de réduction des émissions issues de la déforestation et la dégradation des forets. Partant de l’analyse institutionnelle de ces structures, un des grands enjeux qui semble avoir été un peu négligé jusqu’ici est la coordination des acteurs au niveau tant national que local. Pourtant, il s’est avéré que la réalisation de la REDD+ présuppose une architecture nationale ou une structure de gouvernance qui facilite les actions d’ensemble et produit, en matière d’atténuation du carbone, des résultats effectifs, efficaces et équitables, [ANGELSEN, A. (DIR). ET ALI, 2010].

En effet, en dépit de la convergence de leurs missions, ces organes fonctionnent de façon déconnectée et indépendante avec une parcelle de collaboration qui se développe petit à petit. Bien que leurs attributions soient spécifiques, au nom de la quête de survie et de consolidation de leur existence, considérant la divergence de leurs intérêts, ces structures finissent par s’opposer, voir s’affronter. Pour se rendre incontournable dans le management du processus, chaque acteur monte les stratégies afin de se maintenir, de s’affirmer, voire même d’arracher une partie du pouvoir des autres. Malheureusement, ces disfonctionnements constituent un des obstacles majeurs pour l’atteinte de ses objectifs climatiques du pays et ne lui permettent pas à maximiser ses avantages dans le cadre de financements internationaux relatifs au climat. La présente étude se fixe, ainsi, comme objectif de procéder à un diagnostic institutionnel de la gouvernance du processus REDD+ en RDC afin de proposer les voies de son amélioration. Grace à l’analyse stratégique, il sera ici question d’interroger les cadres juridiques, les missions de chaque acteur en évaluant les parcelles de collaboration, les stratégies, les pouvoirs, les capacités ainsi que les faiblesses de chaque acteur afin de proposer les arrangements institutionnels adaptés à la portée multisectorielle et surtout diplomatique du processus REDD+. La particularité de cette étude réside dans son caractère managérial consistant plutôt à l’analyse institutionnelle des organes chargés de la conduite du mécanisme REDD+ en RDC. En effet, plusieurs études disponibles se consacrent essentiellement sur les analyses juridiques, fiscales, socio-économiques des reformes à engager ou des programmes et projets (réalisés ou en cours d’exécution) ayant l’incidence avec la REDD+ (foret, aménagement du territoire, agriculture, foncier, etc). Peu d’études se consacrent à l’analyse stratégique des acteurs institutionnels chargés de piloter ce processus, pourtant un des facteurs primordiaux pour sa réussite. Sur ce, il se subdivise en cinq parties. La première décrit le contexte historique d’institutionnalisation des mécanismes REDD+ au niveau international. La deuxième partie quant à elle présente le schéma institutionnel et stratégique mis en place en RDC pour la gestion du processus REDD+. En troisième partie, il sera question de présenter les réalisations accomplies dans le cadre du schéma institutionnel. Après l’analyse des insuffisances (quatrième partie), nous allons présenter les voies d’amélioration institutionnelle (cinquième partie).

II. MATERIELS ET METHODES

  1. Présentation du terrain d’étude

La présente étude s’est déroulée en République Démocratique du Congo, pays de l’Afrique centrale, C’est le troisième pays le plus peuplé d’Afrique, ainsi que le pays francophone le plus peuplé, avec une superficie de 2.345 millions km2 ayant pour devise, justice paix et travail. Selon les études menées par FRMI en 2018, la République Démocratique du Congo, compte environ 114,5 millions d’hectares de forêts denses en 2017, ce qui représente 50% de la superficie totale des terres. Une étude de la FAO, [2020], comptabilise 126 millions d’hectares de forêt. Notre étude, met un intérêt particulier aux zones opérationnelles de la REDD+ à forte couverture forestière.

2. Méthodes et techniques

Dans le cadre de cette étude, nous avons fait recours à la méthode d’analyse stratégique qui nous a permis d’analyser le comportement et la répartition de pouvoir entre les acteurs institutionnels impliqués dans le pilotage du processus REDD+ en République Démocratique du Congo. Cette méthode nous a également aidés à identifier le rôle, les intérêts parfois divergents des acteurs nationaux impliqués dans conduite de ce processus. Nous avons également recouru à la méthode juridique pour analyser les cadres juridiques internationaux et nationaux réglementant les activités de REDD+. Pour la récolte des données, nous avons recourus aux techniques documentaires, pour la revue de la littérature existante sur la thématique et l’interview avec les principaux animateurs et parties prenantes du processus.

III. RESULTATS

  1. Mise au point théorique sur la REDD+

La REDD+ (Reduced Emissions from Deforestation and Forest Dégradation, en anglais) est un mécanisme multilatéral permettant de récompenser par des actifs monnayables les réductions des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts, [Article 1 du Décret n° 09/24 du 21/05/2009]. Alors que [PNUE et FONAREDD, 2008] précise dans un article le sur Premier résumé d’information de la RDC sur la prise en compte et le respect des sauvegardes REDD+, De façon spécifique que ce mécanisme vise à compenser les pays forestiers tropicaux qui contribuent à la lutte globale contre les changements climatiques en réduisant les émissions de gaz à effet de serre causées par la déforestation et la dégradation des forêts.

Elle s’appuie, selon CIFOR, [2008], sur les paiements axés sur les résultats, c’est-à-dire qu’il s’agit de payer les propriétaires forestiers et les usagers de la forêt pour réduire les émissions et augmenter les quantités de carbone piégées. Ces paiements pour services environnementaux ou éco systémiques (PSE) ont pour avantage de créer de fortes incitations affectant directement les propriétaires et les usagers des forêts pour que ceux-ci gèrent mieux les forêts et défrichent moins les terrains forestiers.

Pour rappel, les discussions autour de la REDD+ remontent des années 1997 avec le débat autour de l’inclusion des activités forestières dans le Mécanismes de Développement Propre (MDP) initié par le Protocole de Kyoto. Finalement, c’est en 2005, lors de la Cop11 sur le climat tenue à Montréal (Canada) que ce mécanisme s’est formalisé à la suite de la demande soumise par la Papouasie Nouvelle Guinée et le Costa Rica s’est formalisé en 2005. Depuis, plus de 40 pays dont la RDC ont élaboré des stratégies et des politiques nationales de REDD+, et des centaines de projets de REDD+ ont été lancés dans toutes les régions tropicales.

Ainsi, pour la coordination des actions au niveau international, les Nations Unies ont mis en place, depuis 2008, le Programme ONU-REDD. S’appuyant sur l’expertise de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), le Programme ONU-REDD soutient des processus REDD+ pilotés par les pays et travaille en faveur de l’engagement informé et constructif de toutes les parties prenantes, y compris les peuples autochtones et autres communautés dépendant de la forêt, dans la mise en œuvre de la REDD+ à l’échelon national et international,[2018].

  1. Schéma institutionnel et stratégique de gouvernance de la REDD+ en RDC

Couvrant une superficie d’à peu près 155,5 millions d’hectares, soit 67% du territoire national, les forêts de la République Démocratique du Congo représentent 60% des forêts du Bassin du Congo, 50% des forêts denses d’Afrique, et 10% des réserves forestières tropicales de la planète.

Cependant, en dépit de leur importance écologique et de leurs services écosystémiques, ces forêts font l’objet de plusieurs menaces et de convoitises. Les données relatives à l’évolution du couvert forestier indiquent une croissance importante du taux déforestation et de dégradation des forets en RDC. Une situation qui met la RDC en deuxième position mondiale des pays les plus affectés par la perte des forêts primaire en 2020 après le Brésil.

Selon le rapport Global [Forest Watch de 2021], de 2002 à 2020, le pays a perdu 5.32Mha de forêts primaires humides, représentant 34% de la perte de sa couverture forestière au cours de la même période. Il indique enfin que la superficie totale de forêts primaires humides en République Démocratique du Congo a diminué de 5.1% au cours de cette période. Les causes de cette situation ont été identifiées depuis 2012. Il s’agit principalement de l’agriculture itinérante sur brûlis, de l’exploitation artisanale du bois, de la carbonisation artisanale (bois énergie), l’exploitation minière et les feux de brousse. A ces 5 principaux moteurs de déforestation, il faudrait ajouter la croissance démographique, les défis institutionnels (gouvernance, conflits armés, etc.), défis d’urbanisation et la pauvreté.

Dans une Publication du Ministère de l’Environnement et Développement Durable[2021], parlant de la Contribution Déterminée à l’échelle Nationale Révisée, Kinshasa, 2021, de Aussi, selon les inventaires nationaux de gaz à effet de serre, les émissions de la RDC sont prédominées par le secteur « Foresterie et autres Affectation des Terres (FAT) » avec près de 86% des émissions, suivi par les secteurs Déchet, Energie et Agriculture avec respectivement 11%, 0,86% et 0,61%.

Ainsi, pour réduire ses émissions dues principalement à la déforestation et autres utilisations des terres, la RDC est engagée, depuis 2009, au processus de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forets (REDD+). C’est dans ce cadre qu’avec l’appui du Programme des Nations Unies pour la REDD+ (Programme ONU-REDD) et du Fonds de Ppartenariat pour le Carbone Forestier de la Banque mondiale (FCPF), le pays a élaboré un plan de préparation (R-PP) qui a fait de la RDC le premier des 47 pays du programme REDD+ à finaliser sa phase de préparation, [PNUE et FONAREDD,2022]. Il s’en est suivi du développement de l’architecture institutionnelle chargée du pilotage de processus.

    1. L’architecture institutionnelle de gouvernance de la REDD+ en RDC

Il est ici question de présenter les acteurs institutionnels ou privés ainsi que les mécanismes de collaboration dans la gestion du processus REDD+. Il s’agit clairement de présenter l’organisation et le fonctionnement de ces structures tout en analysant les pouvoirs d’influence, la répartition des responsabilités ainsi que les jeux d’intérêts relatifs. En RDC, plusieurs acteurs interviennent directement ou indirectement dans le management du processus REDD+. Il s’agit principalement des structures de mise en œuvre du processus à la REDD+ instituées par le Décret 09/40 du 26/11/2009, du Fonds National REDD+, de l’Unité de Coordination du Programme d’Investissement pour la Forêt, du Fonds Forestier National, ainsi que les organisations de la société civile (GTCRR, REPALEF-RDC notamment). Aussi, il faudrait ajouter la Direction de Développement Durable du Ministère de l’Environnement qui, à travers sa Division Changement Climatique, non seulement coordonne plusieurs structures précitées mais également met en œuvre, de façon autonome, des projets en lien avec la REDD+.

A ces acteurs nationaux, on y trouve également les partenaires internationaux qui appuient et financent la mise en œuvre des différents projets. Tout en reconnaissant le rôle ainsi que les influences des autres acteurs (société civile, secteur privé et les partenaires techniques et financiers), cette étude s’intéresse essentiellement aux instances administratives et politiques nationales pilotant le processus au niveau tant national que local. Ainsi, selon le Décret précité, la structure de mise en œuvre de la REDD+ en RDC est composée du Comité National, du Comité Interministériel et de la Coordination Nationale.

      1. Le Comité National REDD+

Présidé par le Secrétaire Général à l’Environnement, le Comité National est composé de 14 membres (dont un délégué de la Présidence de la République, de la Primature, du Ministère de la Décentralisation, du Ministère de l’Agriculture, représentant des ONG environnementales, représentant de la Fédération des Entreprises du Congo), le Comité National est chargé notamment de [Article 4 du Décret 09/40 du 26/11/2009].

  • définir les orientations et les directives du processus REDD et de décider des actions à mener ;
  • approuver les plans de travail du Comité Interministériel et de la Coordination Nationale ;
  • mettre en place un fonds national et de fixer les modalités de gestion et de redistribution des subventions et des ressources provenant du processus REDD. Les membres du Comité National sont nommés par le Ministre ayant l’environnement dans leurs attributions.
      1. Le Comité Interministériel

Placé sous l’autorité du Ministre de l’Environnement, le Comité Interministériel est chargé notamment de planifier la mise en œuvre des décisions du Comité National. Il est composé des délégués des ministères concernés par l’occupation ou l’exploitation des espaces (Environnement, Agriculture, Affaires foncières, Urbanisme et Habitat, Développement Rural, Plan, Finance, Mines et Energie). Sur proposition de leurs Ministres respectifs, ces membres nommés par le Ministre ayant l’environnement dans ses attributions. Il sied de relever que la dernière réunion du Comité Interministériel date depuis 2016 avec la création du Fonds National REDD.

      1. La Coordination Nationale REDD+ (CN-REDD)

Organe de coordination et de gestion quotidienne, la CN-REDD a notamment pour mission de[Article 10 du Décret 09/40 du 26/11/2009].:

  • Assurer la coordination du processus REDD+ en RDC avec les initiatives gouvernementales et les bailleurs de fonds dans le domaine forestier ;
  • Assurer la gestion quotidienne de la Coordination Nationale REDD+ et suivre les activités prévues dans le plan de travail annuel ;
  • Assurer le Secrétariat Technique du Comité National et du Comité Interministériel ;
  • Formuler à l’intention du Ministre de l’Environnement les propositions et assurer la mobilisation des experts nationaux et internationaux, etc.

En outre, l’Arrêté ministériel n°047/CAB/MIN/EDD/AAN/MML/05/2018 du 09 mai 2018 fixant la procédure d’homologation des investissements REDD+ en RDC confie à la CN-REDD la fonction de teneur du registre national REDD+. A ce sujet et sous l’Autorité du Ministre de l’Environnement, elle a pour missions d’assurer :

  • La vérification de l’enregistrement des données requises,
  • La conformité des données enregistrées,
  • La conformité de recevabilité,
  • L’enregistrement des données de référence des investissements REDD+,
  • L’enregistrement de la demande d’homologation et des données y relatives,
  • Le contrôle de l’honorabilité du porteur des investissements REDD+,
  • La publication d’un investissement REDD+,
  • La publication du rapport de validation des documents du projet et/ou programme juridictionnel REDD+,
  • La publication du rapport de vérification des réductions des émissions et/ou unités de carbone d’un projet et/ou d’un programme juridictionnel REDD+,
  • Le suivi de la délivrance, de la détention ou de la comptabilisation du transfert, de l’annulation et de la mise en réserve des réductions des émissions et/ ou unités de carbone,
  • La gestion du système d’information sur les sauvegardes socio-environnementales, etc.,

A cet effet, la CN-REDD constitue un des mécanismes institutionnels majeurs dans la gestion de financement carbone en RDC. Sur le plan administratif, la Coordination Nationale REDD+ est sous l’autorité du Ministère de l’Environnement. Elle est attachée à la Direction de Développement Durable et est sous la supervision du Secrétaire Général à l’Environnement et Développement Durable. Il sied de relever qu’avant la mise en place du FONAREDD, la CN-REDD avait la charge de la gestion et la représentation du pays sur le processus REDD+, de la coordination des partenariats financiers, de la gestion des ressources humaines et des dynamiques provinciales ainsi que l’appui aux négociations internationales. Cependant, depuis la fin de financement de la Banque Mondiale en 2016, la CN-REDD connait des sérieux problèmes de fonctionnement. Elle a perdu un grand nombre du personnel qualifié jadis sous contrat dans le cadre de mise en œuvre des projets avec la Banque Mondiale.

      1. Fonds National REDD+ (FONAREDD)

Prévu par la Stratégie-cadre Nationale REDD, le FONAREDD est un instrument de mobilisation des financements, de coordination intersectorielle et du suivi des financements liés à la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des Forêts (REDD+), ainsi que l’atténuation des effets du changement climatique[https://fonaredd-rdc.org/qui-sommes-nous/].

L’idée de la création d’un Fonds National REDD+ se fonde sur la nécessité de disposer d’un mécanisme à même de mobiliser et combiner diverses sources de financement et de garantir une allocation optimale et transparente des fonds vers les activités prioritaires REDD+[ Stratégie-Cadre Nationale REDD de la République démocratique du Congo ].

De façon globale, le Fonds a pour mission de faciliter l’utilisation stratégique des contributions au travers d’une coordination renforcée, d’une appropriation nationale accrue et d’une allocation efficace axée sur la production de résultats. Il s’agit plus spécifiquement de:

  • Mobiliser et combiner les diverses sources de financement publiques et privées, multilatérales et bilatérales, y compris les financements innovants, en développant les capacités nationales à accéder et à débourser des paiements basés sur la performance ;
  • Assurer et accroître les capacités de coordination du gouvernement à une mise en œuvre rapide, cohérente et efficace des activités REDD+ identifiées comme prioritaires ;
  • Assurer et accroître les capacités nationales à mesurer, notifier, et vérifier de façon continue et transparente les résultats des activités financées par le Fonds, en s’assurant du respect et de l’application des standards des régimes de conformité émergents.

Le cadre de gouvernance provisoire du Fonds prévoit : un Comité de Pilotage, un Comité Technique et un Secrétariat Exécutif.

  1. Le Comité de Pilotage (COPIL) : est un organe de décision et d’orientation chargé de garantir l’opérationnalisation du Fonds. C’est lui qui approuve les programmes et projets sous financement du FONAREDD et autorise les décaissements. Il est composé de quatorze membres, dont six Ministres (Finances, Environnement, Agriculture, Energie, Affaires foncières et Aménagement du territoire), des représentants des contributeurs, de la société civile et du secteur privé. Il est présidé par le Ministre des Finances et le Ministre de l’Environnement et du Développement Durable assure la Vice-Présidence.
  2. Le Comité Technique (CT), organe d’appui conseil, est chargé d’examiner et d’émettre des avis et recommandations sur les plans d’investissements, les programmes à financer, les notes analytiques et les évaluations. Il est composé des experts multi sectoriels, de la société civile, des experts indépendants, de l’ONU-REDD, du secteur universitaire.
  3. Le Secrétariat exécutif : ancré dans le Ministère des finances et appuyé par le PNUD, il assure la programmation et le suivi-évaluation du portefeuille ainsi que la gestion quotidienne du Fonds. Il apporte un appui au COPIL et au CT.

Bien que juridiquement, il n’y ait pas encore un cadre légal fixant l’organisation et le fonctionnement du Fonds, il sied de signaler qu’administrativement, le FONAREDD est logé au sein du Comité Technique de Suivi et Evaluation des Reformes (CTR), au Ministère des Finances.

Aussi, conformément au protocole d’Accord entre la RDC et le PNUD portant fournitures des services de gestion et autres services d’appui au Fonds National REDD de la RDC signé en 2013, la gestion financière et administrative du FONAREDD est confiée au PNUD jusqu’en 2035. Il en est de même pour le personnel du Secrétariat Exécutif qui est administrativement géré selon les procédures du PNUD (le Gestionnaire). Le Gouvernement n’intervient que dans le cadre des réunions de Comité de pilotage pour fixer les orientations stratégiques et les modalités de décaissement de financement.

Il sied de rappeler enfin que ni la CN-REDD, ni le FONAREDD ne dispose pas de mandat pour négocier les financements pour le compte de l’Etat. Ils dépendent tous de leur Ministère d’attache.

Outre ces structures spécifiques, il sied de signaler qu’il existe d’autres services qui s’occupent ou sont concernés par la gestion de la REDD+ en RDC. Il s’agit de l’Unité de Coordination du PIF et du Fonds Forestier National.

      1. Unité de Coordination du Programme d’Investissement pour les Forêts (UC-PIF)

Il convient de noter que dans une publication,[ le Ministère de l’Environnement, Conservation de la Nature et Tourisme, Plan d’Investissement du Programme d’Investissement pour la Forêt RDC, Kinshasa, 2011] Précise que des importants progrès accomplis à l’époque par la République Démocratique du Congo dans le processus de préparation à la REDD+, elle avait été sélectionnée en juin 2010 comme un des huit pays pilotes du Programme d’Investissement pour la Forêt.

C’est dans ce cadre que le Gouvernement, à travers le Comité National REDD+ a élaboré son plan d’investissement et l’a soumis au Sous-comité du FIP pour évaluation. Celui-ci constitue un cadre programmatique qui vise la concentration et la canalisation des interventions dans des zones géographiques restreintes situées dans les bassins d’approvisionnement des grandes villes et considérées comme les « points chauds » de déforestation ainsi que vers des secteurs d’activités permettant de répondre aux causes directes de la déforestation et de générer des réductions d’émissions mesurables et valorisables.

Ainsi, l’opérationnalisation de ce plan a nécessité un montage institutionnel pouvant servir de cadre de pilotage des différents projets y relatifs. C’est à ce titre qu’en 2015, une Unité de Coordination a été créée par l’Arrêté Ministériel N° 008/CAB/MIN/ECN – DD/01/00/RBM/2015 du 19 novembre 2015 portant mise en place de la structure de mise en œuvre du Programme d’Investissement pour la Forêt. Sous la supervision du Secrétaire Général à l’Environnement, l’UC-PIF bénéficie plusieurs financements internationaux dont ceux de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement pour la mise en œuvre des projets relatifs à :

  • La Réduction des émissions liées à la déforestation et à la Dégradation des forêts ;
  • La gestion des forêts;
  • La lutte contre la pauvreté;
  • La facilitation des activités du secteur privé permettant de réduire les émissions liées au bois énergie (Plantation agroforestière, la diffusion des foyers améliorée) ;
  • La promotion des systèmes forestiers à petite échelle ;
  • L’appui à l’agriculture durable et à la sécurisation foncière.

C’est dans ce cadre qu’elle coordonne la mise en œuvre du « Projet de Gestion Améliorée des Paysages Forestiers, PGAF », du « Projet Intégré REDD+ dans les bassins de Mbuji Mayi /Kananga et de Kisangani » et assure le maitre d’ouvrage du PIREDD Maï-Ndombe.

      1. Fonds Forestier National (FFN)

Créé par la Loi n° 11/2002 du 29 août 2002 portant Code forestier, spécialement en son article 81, le Fonds Forestier National est un établissement public chargé d’assurer le financement des opérations de reboisement et d’aménagement forestier ainsi que de toute opération de nature à contribuer à la reconstruction du capital forestier. Ainsi, l’article 8 du Décret n° 09/24 du 21/05/2009 portant création, organisation et fonctionnement du Fonds Forestier National lui confie entre autre la mission de collecter les recettes publiques provenant des services environnementaux : crédit carbone, mécanisme de développement propre (MDP), mécanisme de réduction des émissions issues de la déforestation et de la dégradation des forêts (REDD). Il est dirigé par un Conseil d’Administration composé entre autre du délégué du Ministre ayant les forêts dans ses attributions, d’un délégué de la Primature, du Secrétaire Général en charge des forêts ainsi que d’un délégué des exploitants forestiers. Il y a également une Direction Générale et un Collège des commissaires aux comptes.

Même s’il n’est pas très actif dans le management du processus, il s’avère que le FFN est un acteur institutionnel et détenteur de compétences légales en matière de la fiscalité carbone. Son rôle reste toutefois limité à la mobilisation des recettes publiques (10%) provenant de mécanisme REDD+. Eu égard à ce qui précède, le tableau ci-dessous présente les compétences factuelles des principaux acteurs institutionnels de la REDD+ en RDC. Plutôt de rester dans une approche légale, ce tableau décrit le rôle actif de chaque structure et l’exercice de leurs fonctions. Actifs parce que cette étude a démontré qu’il existe d’autres structures légalement établies mais qui ne participent pas actuellement à la gestion du processus. Il s’agit notamment du Comité Interministériel et du Comité National REDD+.

Tableau 1. Répartition de compétences entre les acteurs institutionnels actifs dans la gouvernance de la REDD+ en RDC

Organisation Rôles à jouer
CN-REDD
  • Coordonner et assurer la gestion quotidienne du processus REDD+ en RDC ;
  • Assurer le suivi et évaluation de la mise en œuvre de la Stratégie-cadre Nationale ainsi que les outils d’opérationnalisation dont le plan d’investissement ;
  • Gérer le registre national REDD+
FONAREDD
  • Mobiliser les financements pour la mise de mise en œuvre de la Stratégie, du plan d’investissement et des projets REDD+ ;
  • Coordonner la mise en œuvre des programmes et projets REDD+ appuyés par CAFI
Fonds Forestier National
  • collecter (10%) de recettes publiques provenant de la commercialisation des crédits carbone, des REDD+
UC-PIF
  • (co)financer les actions (projets) qui contribuent à l’élimination des causes directes et sous-jacentes de la déforestation et la dégradation des forêts dans des zones géographiques restreintes (particulièrement les « points chauds » de déforestation situés dans les bassins d’approvisionnement des grandes villes)

La lecture de ce tableau démontre suffisamment un dédoublement fonctionnel caractérisé par des chevauchements entre les missions des différentes structures et le manque de coordination entre les acteurs. Ce sont ces faiblesses de coordination et ou de collaboration entre structures qui sont à la base des conflits institutionnels, du blocage. Nous y reviendrons longuement à la troisième partie.

    1. Bilan des réalisations accomplies dans le cadre du schéma institutionnel

La mise en place des différents organes de mise en œuvre de la REDD+ a permis, d’une part, la production des outils stratégiques et opérationnels. Il s’agit entre autre de la Stratégie-Cadre Nationale REDD+ adoptée en 2012 et qui constitue un des mécanismes d’appropriation et de contextualisation au niveau national des engagements internationaux de la RDC relatifs à la REDD+, Ministère de l’Environnement et Développement Durable, Programme-Pays de la RDC au Fonds Vert Climat (GFC), Kinshasa, [2019]. Pour son opérationnalisation, le Gouvernement a élaboré depuis 2013 le Plan d’Investissement REDD+ qui a servi d’outil de plaidoyer diplomatique pour la capitalisation du FONAREDD. Dans ce même ordre d’idées, le Gouvernement a élaboré et soumis à la CCNUCC, en 2018, son Niveau d’Émissions de Référence pour les Forêts pour la réduction des émissions dues à la déforestation (NERF) couvrant la période allant de 2000 à 2014. A ces initiatives de planification, il faudrait également noter l’adoption de plusieurs textes juridiques déterminant l’architecture institutionnelle de pilotage du processus et fixant la procédure d’homologation des investissements REDD+ en RDC.

A ce titre, il sied de signaler qu’avec l’appui de ses partenaires, la RDC est le premier pays à avoir un plan d’investissement validé par le Programme d’Investissement pour la Forêt de la Banque Mondiale. Elle est également le premier pays africain à se doter d’un cadre réglementaire portant sur l’homologation des projets REDD+. Elle est enfin un des premiers pays à mettre en place un Fonds National REDD+ et à développer ses standards nationaux REDD+. D’autre part, ces mécanismes institutionnels ont permis de piloter les reformes et la mise en œuvre de plusieurs projets dans les secteurs clés de la REDD+ (foret, énergie, aménagement du territoire, agriculture, foncier, démographie, etc.). Il s’agit par exemple des reformes encours dans le secteur de l’aménagement du territoire à travers l’élaboration de la politique et de la loi y relative. Pareillement pour le secteur foncier. Ce sont ces mêmes organes qui ont mobilisé tous les financements internationaux pour la mise en œuvre des reformes ainsi que des projets intégrés dans les juridictions géographiques considérées comme zone d’enjeux prioritaires de la REDD+. Il s’agit entre autre des PIREDD Maïndombe, Orientale, Mongala, Maniema, Equateur, dans les Bassins de Mbuji-Mayi/Kananga et de Kisangani, etc.

  1. Analyse des insuffisances institutionnelles

Cette partie décrit les principaux défis institutionnels dans la mise en œuvre de la REDD+ en RDC. Il s’agit notamment de sa forte dépendance aux appuis extérieurs, du défi de coordination des interventions au niveau tant national que local.

    1. Une architecture trop externalisée et dépendante des appuis extérieurs

Depuis l’engagement de la RDC au processus, le fonctionnement des institutions en charge de pilotage du processus ont généralement été pris en charge par les partenaires internationaux.

Le montage institutionnel de tous les organes de mise en œuvre de la REDD+ en RDC connait de fortes influences de ces partenaires. A tort ou à raison, ces bailleurs estiment que la RDC (son administration) ne dispose pas des capacités techniques et fiduciaires pour la gestion de ce processus. D’où le recours intempestif aux consultances, aux agences d’exécution (du système des Nations Unies, des organismes de coopération bilatérale ainsi que les organisations non gouvernementales internationales) et le développement des administrations parallèles ou ad hoc. Ces structures ad ‘hoc et autres unités de projet, dont la durée de vie dépend de la disponibilité des ressources financées par les PTF, versent des bons salaires à leurs cadres qui provoquent de graves distorsions dans les structures salariales locales. Ces distorsions induisent un exode des cadres les plus compétents de l’administration vers ces structures et donc affaiblissent l’administration. Cette approche ne permet donc pas de construire de véritables capacités institutionnelles pérennes. Ceci porte atteinte à l’idéal de la consolidation de l’Etat en ce qu’elle fragilise le processus de management public, en affaiblissant les rouages et les stratégies endogènes de résolution de problèmes et ne favorise donc pas une politique harmonieuse de développement des ressources humaines ni d’impulser réellement le processus de développement[MUKOKA NSENDA,2009].

Il est reconnu pourtant que dans le pilotage de la REDD+, la création de systèmes en parallèle à l’administration en place peut entraîner une allocation inefficace des ressources et des coûts de transaction élevés ; cela risque aussi de contribuer à fragiliser davantage les structures gouvernementales et d’entraver la possibilité d’entreprendre les réformes nécessaires dans les divers secteurs[Angelsen, A. (Dir). et ali, Op.cit.,].

Malheureusement, les structures comme la CN-REDD (de 2009 à 2016), le FONAREDD, les PIREDD et l’Unité de Coordination du Programme d’Investissement Forestier (PIF) sont, à quelques exceptions près, dans cette situation. Sur base des procédures de leurs principaux bailleurs, ils recrutent un personnel, généralement en dehors de l’administration publique, qu’ils rémunèrent bien et dont le contrat de travail dépend de la durée de vie des projets et des financements internationaux. Ce personnel bénéficie en outre d’un renforcement des capacités et d’une expertise qui ne sauront être capitalisés par l’administration publique chargée de veiller à la durabilité des investissements. A la fin de chaque projet ou programme, ils sont mis à la porte et se bousculent chez les privés ou dans les ONG internationales ou encore dans les agences de coopération. Ce qui fait qu’au début de chaque programme ou projet, il y a un renouvellement de près que la totalité du personnel. A titre illustratif, les personnes qui ont débuté avec le processus REDD+ en 2009 ont vu leurs contrats de travail être résiliés en 2016 à la fin du financement de la Banque Mondiale.

De même, lors du lancement du FONAREDD, le PNUD avait recruté un nouveau personnel devant faire partie du Secrétariat Exécutif du Fond sans moindre recours au staff de la CN-REDD arrivé aux termes de leur contrat, à l’exception du Coordonnateur Adjoint du Secrétariat Exécutif. Ce, conformément au protocole d’Accord entre la RDC et le PNUD portant fournitures des services de gestion et autres services d’appui au Fonds National REDD signé en 2013. C’est cette équipe qui a géré le premier partenariat entre la RDC et l’Initiative pour les Forêts de l’Afrique Centrale (CAFI) de 2016 à 2020. Mais, après la signature du second partenariat allant de 2021 à 2031, un appel d’offre a été lancé pour recruter un nouveau Secrétaire Exécutif. Ceci aboutira inéluctablement au renouvellement du staff technique devant superviser l’exécution de ce nouveau partenariat. Un véritable cercle vicieux, ce mercenariat administratif.

Cette instabilité n’est pas le seul apanage du système de consultance des équipes de gestion quotidienne de la REDD+. Elle est également dans la désignation des membres des Ministères impliqués à la REDD+ où à la veille de chaque changement du gouvernement on assiste au changement des délégués dans les différents comités de pilotage ou technique. En effet, la majorité des délègues des Ministères aux structures de mise en œuvre de la REDD+ ne proviennent pas de l’Administration publique mais plutôt des Cabinets politiques qui demeurent instables au regard des conjonctures politiques du pays. Ainsi, chaque remaniement ou changement de gouvernement entraine automatiquement le renouvellement des équipes.

Malheureusement, ni le Gouvernement congolais, ni les partenaires ne s’inquiètent de cette perte d’investissements humains qui, selon les termes du Protocole d’Accord précité, devraient aider la partie nationale à assurer une gestion autonome du fonds.

    1. Une faible coordination des initiatives et collaboration des structures en charge de mise en œuvre

L’existence de plusieurs structures déconnectées dans le pilotage du processus REDD+ en RDC constitue un obstacle majeur dans l’observation de la cohérence stratégique et dans la mise en œuvre des projets. En effet, la mise en veilleuse du Comité National et du Comité Interministériel ainsi que l’opérationnalisation du FONAREDD ont fait naitre une guerre de leadership entre le Ministère de l’Environnement et celui des Finances dans le pilotage du processus. Du coup, il s’observe l’émergence de deux structures, certes avec des missions différentes, mais qui, au nom de la quête de survie et de consolidation de leur existence, considérant la divergence de leurs intérêts et de leur distincte dépendance politique, finissent par s’opposer, voir s’affronter. Pour se rendre incontournable dans le management du processus, chaque acteur monte les stratégies afin de se maintenir, de s’affirmer, voire même d’arracher une partie du pouvoir des autres. C’est la situation actuelle que traversent le FONAREDD et la CN-REDD ou chacun agit dans son coin selon son format, dépendant des tutelles politiques différentes avec une faiblesse avérée de collaboration et de coordination d’informations. A tel point qu’il est difficile aujourd’hui de savoir de manière concrète qui fait quoi dans quel secteur et pour quelle comptabilité finale. Actuellement, on ne se sait pas qui a la responsabilité de mise en œuvre, de financement et de suivi et évaluation de la Stratégie Cadre Nationale REDD+ ainsi que ses cadres opérationnels. Il en est de même de la définition des responsabilités dans le processus de négociation, de mobilisation et de gestion des financements internationaux et domestiques (vente & achat crédit carbone REDD+). Ceci a comme effet, la dilution d’efforts et la dispersion des moyens, ce, au détriment de la vision ou des ambitions du pays définies dans le cadre stratégique national y relatif.

Il faut reconnaitre néanmoins quelques avancées dans la collaboration entre les deux structures notamment dans la participation aux réunions de Comité de Pilotage, aux ateliers de planification ainsi qu’au suivi et évaluation de certains PIREDD. Mais ceci n’a pas nullement l’objectif de faire taire les divergences afin d’aboutir à un format centralisé du processus.

En effet, si la CN-REDD, du moins les autorités du Ministère de l’Environnement tiennent à tout prix à la redynamisation des organes de mise en œuvre de la REDD+ en RDC institués par le Décret de 2009, le FONAREDD vise plutôt à se transformer en établissement public avec une autonomie administrative, financière et technique. D’ailleurs, depuis la mise en place du FONAREDD le Ministère de l’Environnement a toujours contesté le leadership du Ministère des Finances dans son pilotage. Il estime que la responsabilité du Ministère des Finances ne se limite qu’à la recherche et à mobilisation des financements. Il revient plutôt aux Ministères sectoriels de procéder à la mise en œuvre des projets. Les exemples des Fonds National d’entretien routier, du Fonds National de l’Education, du Fonds National de l’Habitat, du Fonds pour la Promotion de l’Industrie, etc. sont constamment évoqués. Pour sa part, le Ministère des Finances évoque le caractère transversal et interministériel de la REDD+ qui ne doit pas dépendre essentiellement du seul Ministère de l’Environnement mais plutôt d’une structure neutre et à caractère multisectoriel. Pour les bailleurs de fonds internationaux, il faudrait que le pilotage de la REDD+ soit porté à un niveau supra-ministériel (Primature ou Présidence de la République) afin de mieux arbitrer les conflits de compétence entre les Ministères et coordonner des reformes interministérielles. Ce sont, notamment, ces mésententes qui ont bloqué le processus de la création juridique du FONAREDD (adoption du Décret portant création du FONAREDD comme établissement public).

Cette situation a également une influence majeure dans la définition des priorités stratégiques, en termes d’amélioration de la gouvernance dans le pilotage des différents programmes et projets REDD financés par les partenaires internationaux. Par exemple, dans le premier partenariat entre la RDC et CAFI, une faible attention a été accordée aux questions de gouvernance. Pour preuve, aucun jalon n’a été défini pour le pilier Gouvernance, [FONAREDD,2021]. De la Lettre d’Intention, LOI 2016-2020. L’essentiel des interventions s’est focalisé sur les principaux moteurs de déforestation en RDC (Agriculture, Energie, Forêt, Aménagement du territoire, Réforme foncière, Normes, Démographie) sans se soucier de la légalité et de la légitimité institutionnelle des organes chargés de pilotage multisectoriel du processus. Le même constat se fait malheureusement remarquer dans le second partenariat, en cours 2021-2030 où l’on perçoit la pérennité des défis institutionnels. Ceci ne peut être considéré comme la seule responsabilité des partenaires internationaux qui ne se préoccupent pas de la durabilité de leurs interventions mais aussi et surtout celle de la partie gouvernementale nationale. En effet divisés autour des querelles de leadership dans le pilotage du processus, les Ministères de l’Environnement et des Finances ne parviennent pas à définir une architecture nationale consensuelle capable de coordonner, de mobiliser les financements tant au niveau national qu’international. Bien que la clarté des missions de chaque ministère puisse faciliter la coordination, cette guerre de leadership peut entraver l’émergence d’actions intersectorielles.

Tableau 2. Analyse institutionnelle de l’architecture nationale de mise en œuvre de la REDD+ en RDC.

Structure/

Programme

Force Défis
Particuliers Communs
CN-REDD
  • Un personnel permanent recruté au sein de l’Administration publique (Art.12 Décret 09/40) ;
  • Disponibilité/ potentialités des ressources domestiques (résultant principalement de la commercialisation et la vente des crédits carbone REDD+)
  • Faible capacité d’influence des reformes intersectorielles et de fédération des différentes parties prenantes nationales ;
  • faibles moyens pour l’exercice effectif de ses attributions (tenue et mise à jour du registre national REDD+, suivi et évaluation de toutes les activités, projets et programmes REDD+, etc.) ;
  • une légitimité contestée par d’autres acteurs gouvernementaux dans la supervision quotidienne de la REDD+ ;
  • Faible/absence des appuis institutionnels de la part des bailleurs internationaux ;
  • Faible coordination technique du processus et collaboration des acteurs institutionnels ;
  • dédoublement fonctionnel caractérisé par des chevauchements des compétences entre les différentes structures en charge de coordination, de planification, de financement et de mise en œuvre de la REDD+ ;
  • Faible/absence de représentation au niveau provincial et local ;
  • Faible cohérence (territoriale et sectorielle) des politiques et programmes.
FONAREDD
  • Crédibilité institutionnelle au niveau des partenaires internationaux et des acteurs nationaux ;
  • Disponibilité des capacités fiduciaires et techniques pour la gestion des projets ;
  • Avancée majeure dans le pilotage, le suivi-évaluation des projets dans tous les secteurs/Ministères impliqués dans le processus REDD+ ;
  • Absence d’un cadre juridique de création, d’organisation et de fonctionnement ;
  • Un Fonds national financé et géré par/selon les procédures du PNUD et autres partenaires internationaux (Cfr Accord de Gestion intérimaire du FONAREDD+ entre RDC et PNUD) ;
  • Recours intempestifs aux agences d’exécution et au personnel contractuel au détriment de l’administration et des entités et ONG Nationales (défi de durabilité des interventions) ;
  • Faible appropriation nationale (appui financier et institutionnel) ;
  • Forte dépendance aux appuis extérieurs ;
  • Faible implication des autres organes dans la mise en œuvre des activités et projets REDD+
UC-PIF
  • Réelle participation des communautés locales à travers les Comités locaux de développement dans la prise des décisions ;
  • Des ressources humaines formées et qualifiées pour la mise en œuvre optimale et le suivi-évaluation des projets REDD+
  • Faible niveau de redevabilité des agences locales d’exécution vis-à-vis du Gouvernement et de l’Administration,
  • Gestion indépendante à la CN-REDD ;
  • Dépendance aux appuis extérieurs ;
  • Faible participation du secteur privé national dans la mise en œuvre des projets.

4. Propositions de voies d’amélioration

4.1. Quel choix institutionnel pour la gouvernance réussie de la REDD+ en RDC ?

Afin de mieux faire face aux défis de pilotage du processus REDD+ en RDC, le Gouvernement est appelé à rationaliser les différentes structures existantes. Quatre propositions se présentent : (i) réviser le Décret 09/40 du 26/11/2009 pour garantir l’unicité de coordination et assurer une répartition équilibrée des responsabilités entre les acteurs institutionnels, (ii) Intégrer le management de la REDD+ dans les Fonds existants (Fonds Forestier National ou Fonds d’Intervention pour l’Environnement), (iii) Mettre en place le Conseil National de l’Environnement et Développement Durable tel que prévu par la loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement.

4.1.1. Révision du Décret 09/40 du 26/11/2009

Il est question ici de revoir l’organisation et le fonctionnement du Comité National et du Comité Interministériel pour mieux adresser le défi de l’unicité de pilotage du processus. Car il est établi que la coordination entre les ministères est une condition préalable à la réussite de la mise en œuvre de la REDD+[ Angelsen, A. (Dir). et ali, Op.cit ].

En effet, pour pallier aux conflits de leadership ministériel dans le pilotage du processus REDD+, il est souhaitable que le Comité Interministériel de la REDD soit dirigé par le Premier Ministre et composé de tous les Ministres impliqués (Environnement, Finances, Agriculture, Energie, Affaires foncières et Aménagement du territoire), des représentants des partenaires internationaux (GIBEC, CAFI notamment), de la société civile et du secteur privé. Le Ministre ayant en charge les forêts va en assurer la Vice-Présidence. Et c’est ce Comité qui aura la charge de la définition des orientations stratégiques de la REDD+ et des reformes y relatives. Sa composition reflètera celle du Conseil d’Administration du FONAREDD+.

S’agissant du Comité National REDD+, à la place d’être dirigé par le Secrétaire Général à l’Environnement, il serait mieux qu’il soit sous l’autorité directe du Ministre ayant en charge les Forêts. Les délégués des administrations et des autres parties prenantes seront désignés par leurs structures respectives et nommés par le Ministre ayant les Forets dans ses attributions. Pour besoin de pérennité managériale du processus, une exigence sera faite pour que soient désignés les cadres de l’administration publique (Secrétaires Généraux), plutôt que les membres des Cabinets Politiques. En plus des membres prévus dans le Décret de 2009, les Gouverneurs des Provinces forestières feront également partie dudit Comité. Ce Comité essentiellement technique a pour mission notamment de préparer et de suivre la mise en œuvre des décisions du Comité Interministériel. Comme organe d’appui conseil, le Comité National sera chargé d’examiner et d’émettre des avis et recommandations sur les plans d’investissements, les programmes à financer, les notes analytiques et les évaluations. Il s’occupera également de suivi-évaluation des reformes et des projets REDD+ mis en œuvre dans tous les secteurs.

Quant à elle, la Coordination Nationale va garder ses attributions actuelles. Elle va s’occuper de la gestion quotidienne du processus et servir de secrétariat exécutif pour le Comité National et le Comité Interministériel. Elle va également se charger de la gestion du registre national. Elle sera sous l’autorité directe du Secrétaire Général ayant les Forêts dans ses attributions. Ses membres sont des fonctionnaires de l’Etat affectés par le Ministre ayant les forêts dans ses attributions. Ainsi, la CN-REDD+ va servir d’appuis institutionnels aux divers programmes et projets (sectoriels et territoriaux) financés par le FONAREDD. Dans des Provinces forestières, la CN-REDD aura une représentation (service) dont les membres sont désignés par le Gouverneur de Province parmi les agents de la Coordination (Division) Provinciale de l’Environnement. Sa configuration aura la même représentation des parties prenantes que celle du niveau national Pareil au niveau des entités territoriales décentralisées ou déconcentrées.

4.1.2. FONAREDD comme établissement public

Une fois le Décret de 2009 révisé, il faudrait envisager la possibilité de faire du Fonds National REDD+ un établissement public ayant pour mission de mobiliser et coordonner les financements internationaux, les subventions de l’Etat et les recettes publiques issues de la commercialisation du carbone forestier. Ce fonds sera placé sous la tutelle administrative du Ministère des finances, sous la tutelle technique et sous la coordination du Ministre ayant les Forêts dans ses attributions. Il servira de mécanisme financier unique dans la mise en œuvre de la REDD+ en RDC. Considéré comme fonds fiduciaire, l’arrangement institutionnel du FONAREDD aura la particularité d’encourager la participation des différentes parties prenantes nationales ainsi que celle des principaux bailleurs internationaux. Ceux-ci feront partie de son Conseil d’Administration. Dans sa fonction d’appui au secteur privé, le FONAREDD va également servir de régulateur de marché carbone. A ce sujet, il sera chargé, en collaboration avec la CN-REDD, d’assurer l’organisation, la régulation, le contrôle ainsi que le suivi des activités d’achat, de vente et de revente des crédits carbone en RDC. En effet, à la place de créer une autorité de régulation des marchés carbones tel que proposée par le Ministère de l’Environnement, laquelle viendra alourdir davantage le pilotage du processus, il serait mieux de confier ces fonctions à une structure détentrice d’expertises et de crédibilité international.

Aussi, il faudrait envisager la révision l’article 8 du Décret n° 09/24 du 21/05/2009 portant création, organisation et fonctionnement du Fonds Forestier National pour arbitrer les compétences dans la mobilisation/répartition des recettes issues de la commercialisation des crédits carbone et des mécanismes REDD+.

Enfin, dix ans après la signature du protocole d’Accord entre la RDC et le PNUD portant fournitures des services de gestion et autres services d’appui au Fonds National REDD de la RDC, il est temps de procéder à l’évaluation de ce partenariat intérimaire pour éventuellement transférer les compétences administratives et financières à la partie nationale. Ceci rendra au Fonds son caractère national, du moins dans son pilotage.

4.1.3. Intégration des Finances REDD+ aux Fonds existants

Si l’option de création d’un Fonds spécifique de la REDD+ s’avère couteuse en termes des frais de fonctionnement, certaines réflexions vont dans le sens de rationalisation institutionnelle en proposant l’intégration du Fonds National REDD+ soit au Fonds Forestier National ou encore au Fonds d’Intervention Pour l’Environnement.

Créé par le Décret n° 20/031 du 31 octobre 2020, le Fonds d’Intervention Pour l’Environnement « FIPE » en sigle a pour mission principale de constituer des richesses matérielles et/ou financières en nature ou en numéraire, pour financer exclusivement la réalisation des différents projets et programmes ayant trait à la protection de l’environnement, à l’écologie et au développement durable[Article 3 du Décret n° 20/031 du 31 octobre 2020].

Ainsi, si on tient à la rationalisation institutionnelle des fonds fudiciaire du secteur de l’environnement, il y a lieu de voir dans la mesure du possible comment renforcer les compétences du Fonds d’Intervention pour l’Environnement ou celles du Fonds Forestier National pour ouvrir une fenêtre de financement de la REDD+. Ce fonds sera dirigé par un Conseil d’Administration composé des représentants des principales parties prenantes nationales en matière de REDD+.

4.1.4. Opérationnalisation du Conseil National de l’Environnement et Développement Durable

Pour mieux arbitrer les conflits de compétence entre les Ministères dans l’orientation stratégique de la REDD+, l’autre option consiste à mettre en place, dans les meilleurs délais, le Conseil National de l’Environnement et Développement Durable (CNEDD) prévu par la Loi n° 11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement. En effet, l’article 17 de cette loi prévoit la création du CNEDD, placé sous l’autorité du premier ministre avec pour missions de donner des avis notamment sur : (1) la définition et la mise en œuvre de la politique nationale en matière d’environnement; (2) l’élaboration des plans et programmes sectoriels en matière d’environnement ou ayant une incidence sur l’environnement.

Il sera ainsi question de faire de cette structure, à travers son acte juridique d’opérationnalisation, un cadre de discussion, de planification stratégique et de validation des politiques nationales REDD+ les quelles seront mises en œuvre dans les différents secteurs et financées par le FONAREDD. Le CNEDD jouera en quelque sorte le rôle du Comité Interministériel de la REDD+. A défaut, il pourra servir de cadre d’arbitrage des politiques sectorielles ayant l’incidence sur la REDD+.

4.2. Ce que nous retenons

Les quatre propositions faites précédemment sont tenables et opportunes pour une bonne mise en œuvre de la REDD+ en RDC. Néanmoins, pour besoin de souplesse administrative et de la nécessité d’assurer une bonne coordination du processus, nous suggérons la révision du Décret de 2009 et la création du Fonds National REDD+ comme établissement public, sous-tutelle du Ministre des Forêts et comme unique organe fiduciaire du mécanisme.

L’organigramme ci-dessous en présente la synthèse.

Figure 1. Proposition de la nouvelle architecture institutionnelle de la REDD+ en RDC

IV. DISCUSSION DES RESULTATS

Plusieurs chercheurs ont fait les évaluations de la légitimité institutionnelle des structures nationales chargées de pilotage et de coordination de la REDD+ à travers le monde. Dans son étude, Meridian Institute, Streck, C., Gomez-Echeverri, L., Gutman, P., Loisel, C. et Werksman, [2009], décrit les quatre fonctions principales d’une architecture nationale REDD+ qui sont (i) responsabilité et coordination globale, (ii) affectation des fonds internationaux, (iii) suivi et établissement de rapports, et (iv) vérification et garanties.

Dans le même ordre d’idées, Arild Angelsen et alii, [2010], considèrent que l’analyse institutionnelle étudie comment les institutions sont constituées et fonctionnent. Elle concerne trois grands thèmes : (i) la répartition des droits et des responsabilités parmi les acteurs ; (ii) les coûts de la coordination/ de leurs relations (coûts de transaction) ; (iii) comment les structures des institutions influencent les perspectives, les intérêts et les motivations des acteurs.

C’est principalement sur base de ces facteurs que nous avons évalué le dispositif institutionnel national de pilotage de la REDD+ en RDC. Les résultats de nos recherches ne sont pas en contradiction avec ceux de plusieurs scientifiques et praticiens de la REDD+ en RDC.Selon Félicien Kengoum et al, [2020] qui estiment que la coordination de l’action gouvernementale reste difficile en ce qui concerne la REDD+. Ces défis se sont accrus récemment : la légitimité de la Coordination nationale REDD+ dans la supervision des activités quotidiennes est remise en question par la communauté REDD+, et le Ministre de l’Environnement n’intervient que rarement. De plus, le changement de gouvernement a entraîné des changements dans les structures gouvernementales et des équipes. Bien que, renchérissent-ils, les Ministères fassent partie de groupes de travail thématiques, leur rôle spécifique pour la REDD+ reste flou, car aucun cadre, y compris la stratégie-cadre nationale REDD+, n’en donne une indication claire.

De leur part, Judicaël Fétiveau et Augustin Mpoyi,[2019], considèrent que l’ancrage sectoriel du processus REDD+ encore limité au-delà du périmètre du Ministère de l’Environnement. L’implication administrative ne repose institutionnellement que sur une participation de 10 ministères aux comités nationaux, laquelle est encore peu effective et dont la représentativité mériterait d’être questionnée, seuls les ministères de l’Agriculture et de la Décentralisation étant aussi décisionnaires au Comité National. Notre étude confirme celle de l’auteur ci-haut cité car, il se pose un réel défi de pilotage institutionnel de la REDD+ en RDC. Ceci se caractérise principalement par (i) la faible coordination technique du processus et collaboration des acteurs institutionnels ; (ii) le dédoublement fonctionnel caractérisé par des chevauchements de compétences entre les différentes structures en charge de coordination, de planification, de financement et de mise en œuvre de la REDD+; (iii) la faible cohérence (territoriale et sectorielle) des politiques et programmes, etc. Pour y faire face, l’étude a proposé au gouvernement de se doter des organismes juridiquement responsables, ayant un leadership et une légitimité plus élevés ainsi qu’un mandat de coordination multisectorielle. Sur ce, une proposition d’aménagement institutionnel a été faite allant dans le sens de la révision du Décret n° 09/40 du 26/11/2009 portant Création, Composition et Organisation de la Structure de mise en Œuvre du processus REDD+. Il en est de même pour la création du Fonds National de la REDD+ comme établissement public en charge de (i) mobilisation et de collecte des fonds destinés au financement de toutes les initiatives REDD+ et (ii) régulation des marchés carbone en RDC.

V. CONCLUSION

Engagée depuis 2009 dans le processus de réduction de ses émissions dues à la déforestation et la dégradation des forêts, la RDC est l’un des premiers pays au monde à avoir mis en place un dispositif institutionnel et stratégique ainsi que un cadre règlementaire nécessaire pour la mise en œuvre optimale de la REDD+. Il s’agit entre autre de la Stratégie-Cadre Nationale REDD+ adoptée en 2012, du Plan d’Investissement REDD+ ainsi que de plusieurs textes juridiques déterminant l’architecture institutionnelle de pilotage du processus et fixant la procédure d’homologation des investissements REDD+ en RDC. C’est cette même architecture institutionnelle qui, avec l’appui des partenaires internationaux, pilote et coordonne les reformes et la mise en œuvre de plusieurs projets dans les secteurs clés de la REDD+ (foret, énergie, aménagement du territoire, agriculture, foncier, démographie, etc.). Il en est de même pour des projets intégrés dans les juridictions géographiques considérées comme zone d’enjeux prioritaires de la REDD+, des PIREDD.

Cependant, cette architecture nationale de pilotage du processus n’est pas à l’abri de critique. L’analyse structurelle qui vient d’être faite dans cette étude présente les principaux défis de la gouvernance de la REDD+ en RDC. Il s’agit principalement de:

  • Faible coordination technique du processus et collaboration des acteurs institutionnels ;
  • dédoublement fonctionnel caractérisé par des chevauchements de compétences entre les différentes structures en charge de coordination, de planification, de financement et de mise en œuvre de la REDD+;
  • Faible/absence de représentation au niveau provincial et local ;
  • Faible cohérence (territoriale et sectorielle) des politiques et programmes, etc.

Pour y faire face, il y a lieu de doter le gouvernement des organismes juridiquement responsables, ayant un leadership et une légitimité plus élevés ainsi qu’un mandat de coordination multisectorielle. Sur ce, une proposition d’aménagement institutionnel a été faite allant dans le sens de la révision du Décret n° 09/40 du 26/11/2009 portant Création, Composition et Organisation de la Structure de mise en Œuvre du processus REDD+. De même, la proposition de création du Fonds National de la REDD+ comme établissement public en charge de (i) mobilisation et de collecte des fonds destinés au financement de toutes les initiatives REDD+ et (ii) régulation des marchés carbone en RDC répond à ce besoin de rationalisation institutionnelle.

Aussi, l’opérationnalisation du Conseil National de l’Environnement et Développement Durable prévu dans la Loi portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement va régler tant soit peu le défi de coordination et d’harmonisation des politiques en matière de REDD+.

S’agissant des initiatives et des partenariats en cours et en attendant cette rationalisation institutionnelle que nous souhaitons, le Gouvernement congolais est appelé à :

  • Evaluer le protocole d’Accord entre la RDC et le PNUD portant fournitures des services de gestion et autres services d’appui au Fonds National REDD de la RDC pour éventuellement transférer les compétences administratives et fiduciaires à la partie nationale, une manière d’en assurer l’appropriation technique au niveau national ;
  • Redynamiser les organes de pilotage et de coordination technique de la REDD+ existants en clarifiant le rôle de chaque partie impliquée ;
  • Accorder une attention particulière aux appuis institutionnels des structures nationales en charge de mise en œuvre du processus REDD+ en RDC ;
  • Limiter le rôle des intermédiaires (les Agences du Système des Nations Unies notamment) dans la gestion des financements et la mise en œuvre des projets pour lesquels le Gouvernement est le redevable principal ;
  • Diversifier les partenariats internationaux plutôt que de se concentrer à la seule CAFI ;
  • Renforcer les mécanismes de redevabilité des organisations de mise en œuvre des projets REDD+ vis-à-vis du Gouvernement ;
  • Plaidoyer pour l’allègement et l’assouplissement des conditions de décaissement des fonds pour la mise en œuvre des projets ;
  • Négocier la participation de la RDC avec voix délibérative aux réunions du Conseil d’Administration CAFI ;
  • Consolider/accélérer les réformes en cours dans les secteurs de l’aménagement du territoire, agricole, foncier et forestier.

La prise en compte de ces suggestions, dans les meilleurs délais, aiderait le gouvernement à faire face rapidement aux défis de gouvernance du processus REDD+ en RDC.

BIBLIOGRAPHIE

    1. DOCUMENTS OFFICIELS

Décret 09/40 du 26/11/2009 portant Création, Composition et Organisation de la Structure de mise en Œuvre du processus REDD+.

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  1. Stratégie-Cadre Nationale REDD+ de la République démocratique du Congo, 2012.
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KENGOUM F. et al, Le contexte de la REDD+ en République Démocratique du Congo Causes, agents et institutions, 2e edition, CIFOR, Bogor, Indonésie, 2020.

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    1. ARTICLES

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VALENTIN BELLASSEN et ali, «  Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts : Quelle contribution de la part des marchés du carbone ? », Mission Climat de la Caisse des Dépôts, n°14 •septembre 2008, Paris

    1. SITES INTERNET

https://fonaredd-rdc.org/qui-sommes-nous/

https://www.globalforestwatch.org/blog/fr/data-and-research/donnees-mondiales-sur-la-perte-de-couvert-arbore-2020/

https://www.pifrdc.org/ucpif#

https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/comprendre-limpact-de-la-foret-sur-le-climat#:~:text=20%25%20des%20%C3%A9missions%20de%20gaz,carbone%20et%20rafra%C3%AEchissent%20l’air.

Gouvernance Institutionnelle De La Redd+ En Republique Democratique Du Congo: Diagnostic Et Proposition Des Voies d’Amélioration

Received 9 September 2022; Accepted 03 October 2022

Available online 25 October 2022

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