International Journal of Social Sciences and Scientific Studies Volume-2 Issue-1, January 2022 Published by Hillcross Publications ISSN: 2787-0146 |
Aide publique au développement et gouvernance démocratique : le cas de la coopération entre le Togo et l’Union Européenne
Kossi Ahossey
Received; 16/12/2021
Accepted; 19/01/2022
Online Published; 31/01/2022
LANGUAGE; FRENCH
ISSN: 2787-0146 International Journal of Social Sciences and Scientific Studies http://www.ijssass.com
A R T I C L E I N F O |
En guise d’introduction |
Mots clés: Aide Publique au DéveloppementDémocratieTogoEUCoopération |
En quoi l’Aide publique au développement a contribué à la normalisation de la gouvernance démocratique au Togo? Après plusieurs décennies d’existence, l’Aide au Développement continue de faire l’objet de plusieurs débats. La question de son efficacité, de son effectivité ou encore de sa conditionnalité ont fait l’objet d’ample discussions surtout que les résultats dans les pays receveurs sont mitigés et présentent plusieurs contrastes. Au Togo, pays majoritairement dépendant de l’aide publiquement au développement, le résultat est révélateur. En effet, le processus démocratique enclenchée dans les années 90 va très tôt connaitre un arrêt brutal dû aux actions du gouvernement en place. Cette situation de crise démocratique conduisit l’Union Européenne, principal donateur, à suspendre coopération avec le Togo et à conditionner l’APD au rétablissement du processus de démocratisation. Le gouvernement du Togo finira par signer des engagements avec l’accompagnement de l’UE au terme duquel, le process de démocratisation va reprendre son cours normal avec des élections générales parlementaires qui vont engendrer un gouvernement démocratique. |
Introduction
À la fin des années 1980, des mouvements de protestations réclamant plus de transparence de la part des régimes autoritaires, voire leur démocratisation, ont fait leur apparition aux quatre coins du globe. Cette vague, qui avait commencé au milieu des années 1970 dans le bassin méditerranéen, va gagner l’Amérique Latine, l’Europe de l’Est. L’Afrique sub-saharienne, où l’on retrouve plusieurs régimes autoritaires, sera aussi frappée par cette vague de manifestation prodémocratie (J. Morency-Laflamme, 2010, p. 10). En effet, les régimes à parti unique constitués au lendemain des indépendances ont passé sous silence certains faits politiques afin d’asseoir leur régime ou de justifier leurs actions : « une véritable réécriture de l’histoire à des fins politiciennes qui seront dénoncées quand les langues vont se délier à partir de 1990 » (K., Kadanga, 2007, p. 8). Ce qui a nécessité pour chaque pays de se réconcilier avec son histoire, d’où la naissance des formations associatives et politiques. Bien que plusieurs observateurs aient le regard tourné sur l’Afrique du Sud et le combat à finir entre l’African National Congress et le National Party, les mouvements de protestations écloront aussi de l’autre côté du continent sur la côte du golfe de Guinée.
Au Togo, les troubles sociaux du 5 octobre 1990 ouvrent l’ère de la démocratisation après 21 ans du règne exclusif du régime à parti unique. Les revendications de toute sorte menée au début par le Front des associations pour le renouveau (FAR)[1], ensuite par le Front des organisations démocratiques (FOD) et le Collectif des organisations démocratiques (COD) ont amené le président Eyadema à changer de politique, autorisant la création des partis politiques. L’une des revendications phares de l’opposition a conduit les forces vives du pays à un accord en juin 1991 qui permet au Togo de s’inscrire à la tradition de la tenue d’une Conférence nationale. Loin d’assurer une alternance et une démocratie pacifique, la conférence nationale et la période de transition ont conduit le pays dans un désastre, ayant pour conséquence, la suspension de la coopération entre le Togo et ces partenaires internationaux, notamment l’Union européenne.
Cette étude vise à montrer comment l’Union européenne a pu mettre en œuvre sa coopération à travers la suspension de l’aide au développement pour obliger le gouvernement du Togo à œuvrer pour le retour de la gouvernance démocratique. Pour ce faire, d’une part, elle expose et analyse, les impacts du processus de démocratisation au Togo. D’autre part, notre étude analyse le processus de normalisation de la gouvernance démocratique et la reprise effective de la coopération avec l’Union européenne.
1. Le processus de démocratisation au Togo et ses implications
La plupart des pays africains n’ont pas été épargné du vent soufflé sur l’Est de l’Europe avec son cortège. Au Togo, de 1990 jusqu’aux élections présidentielle d’août 1993, le processus de démocratisation n’a pas été pacifique. Cette démocratisation a vu naitre de vives tensions et a été émaillée de plusieurs actes horribles (intransigeance politique, intolérance sociale, tribaliste et régionaliste, etc.), ayant conduit à la suspension de la coopération par l’Union européenne vis-à-vis du Togo suivis par plusieurs autres partenaires au développement.
1.1. L’origine de la démocratisation au Togo
Au début des années 1990, les problèmes inhérents au déficit démocratique, à l’agitation des sympathisants du multipartisme, ou encore à la violation des droits de l’homme, ont entravé la prospérité des Etats africains. Face aux inquiétudes suscitées par ces problèmes, il a fallu attendre le « discours de la Baule », c’est-à-dire l’exigence de démocratisation, des anciens pays colonisés, pour voir renaître l’espoir de nouvelles nations démocratiques (K.K. Eloh, 2016, p. 204).
D’abord, la lutte pour le processus de démocratisation commença avec les antagonismes politiques à la fin de la décennie 1980. En décembre 1989, lorsque le mur de Berlin s’effondra et que le monde entier s’interrogeait sur la trajectoire que prendrait la planète sans le communisme, la classe politique togolaise s’émeut, s’agita, se posa des questions. Accords de conférences, de débats et de séminaires, la classe politique togolaise cherchait à se redéfinir un rôle. Certes le Rassemblement du peuple togolais (RPT), parti unique de l’époque, encadrait l’ensemble du pays. Mais certains de ses cadres exprimaient de plus en plus ouvertement leurs velléités d’indépendance et leurs divergences d’opinions avec la ligne du parti[2]. En décembre 1989, une conférence donnée au centre culturel américain à Lomé par l’avocat Djovi Gally avait passablement irrité quelques ténors du parti en discourant habilement l’indépendance de la magistrature, climat de la démocratie américaine[3].
Le 26 décembre 1989, l’aile dure du gouvernement fit réunir tous les avocats de la capitale au palais des congrès. L’ordre du jour de cette réunion était de sensibiliser les avocats à leur responsabilité et leur faire comprendre que le recours à des discours incendiaires en public ne sert pas les intérêts du Togo. La réunion se passa mal. C’est le début de l’instabilité politique dans la lutte pour la démocratie. Aussi, l’effet de la crise économique internationale et des changements politiques sur le continent africain rendait la vie chère au Togo.
Le 5 octobre 1990, à la suite du procès de deux distributeurs de tracts, ayant causé la mort de 5 personnes, le Togo devient l’arène des manifestations violentes pendant plusieurs mois dans tout le pays. C’est le début de la démocratisation au Togo, et non du multipartisme.
Si le début de l’année 1990 constituait la fin du parti unique dans certains pays de l’Afrique francophone, le Togo restait hostile au système multipartiste, comme l’avait précisé Kunalé Eklo, alors secrétaire du RPT : « Le Togo fera exception à la règle »[4]. Ainsi, pour éviter d’être surpris par les tempêtes du vent de la démocratie, le bureau politique du RPT créa cinq grandes commissions (dont une par région économique) qui ont pour mission de consulter les populations togolaises en vue de la redynamisation du parti. Ce qui exclut d’ores et déjà toute idée d’ouverture au multipartisme (K.K. Eloh, 2016, p. 209). Ces commissions avaient pour mission de sillonner tout le pays pour recueillir les suggestions des populations en vue de dynamiser le parti, l’adapter aux réalités propres du pays.
C’est avec cette feuille de route que le 12 mars 1990, les cinq commissions entamèrent leur tournée dans les préfectures. Après deux semaines de travail, il ressortait des rapports que toutes les populations du Togo ont dit « non » au multipartisme et « oui » au parti unique, le RPT. A partir des rapports des commissions, le 7e Conseil national du RPT s’était focalisé pour évoquer l’élaboration d’un avant-projet de lois à laquelle, les forces vives du pays ont été associées.
Dans le cadre des processus transitionnels, « la phase de mutation constitutionnelle se révèle décisive pour la réussite de la démocratisation ainsi que pour l’enrichissement de la théorie du droit constitutionnel elle-même. Les transitions africaines des années 1990 n’échappent pas à cette règle » (K.K. Eloh, 2016, p. 212).
Au terme d’un décret présidentiel, la commission composée de 109 membres et chargée de procéder à l’élaboration d’un avant-projet de Constitution dénommée « Commission constitutionnelle », vit le jour et fut installée le 30 octobre 1990 par le président Eyadema. Et deux mois ont suffi à cette commission d’élaborer l’avant-projet de lois conformément aux aspirations du peuple togolais.
L’avant-projet de Constitution comportant 110 articles regroupés en 16 titres, proposait dans ses grandes lignes la nomination d’un premier ministre responsable de la politique gouvernementale[5]. Un conseil constitutionnel la plus haute instance de l’Etat fut suggérée pour contrôler la constitutionnalité des lois et servir de garant à l’équilibre des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Le pluralisme démocratique suggéré présumait l’existence de plusieurs partis politiques dont l’action devait être régulière au plus haut niveau sur la base d’une déontologie des partis politiques et associations acceptée par tous.
Cependant, les résultats de l’élaboration de l’avant-projet de lois n’ont pas empêché le peuple de presser le pouvoir politique togolais à l’autorisation du multipartisme. Ce qui obligea le président Eyadema à créer une commission mixte paritaire dès le 18 mars 1991. Celle-ci prime sur la commission constitutionnelle dans la mesure où les pressions des associations, notamment le Front des associations pour le renouveau (FAR)[6] poussaient le chef de l’Etat à changer de politique. C’est dans ces circonstances que dans son message pour la nation en avril 1991, le président Gnassingbé Eyadéma a autorisé la création des partis politiques.
Pour mieux mener leur lutte contre le régime Eyadema, les partis politiques et les associations proches d’eux s’étaient regroupés en deux ensembles : le Front des organisations démocratiques (FOD) et le Collectif des organisations démocratiques (COD). Ces deux groupements politiques sont constitués au lendemain de la dissolution du FAR. Ce sont eux, surtout le FOD, qui « ont déclenché une série de mouvements politiques dans le but de pousser le gouvernement à convoquer une rencontre nationale » (K. Kadanga, 2007, p. 57).
Le blocage des négociations entre le FOD et le gouvernement conduit à l’appel à la grève générale illimitée, lancée le 6 juin 1991. De quelles négociations s’agit-il ? La situation socio-politique et le contexte général africain[7] engendré par la démocratie conduisirent l’opposition à réclamer l’organisation d’une conférence nationale à laquelle s’opposa le régime Eyadema.
Face à cette situation, les hauts dignitaires des communautés chrétiennes lancèrent un appel pressant au gouvernement et à l’opposition. Cet appel des Eglises[8] fut signé le 7 juin à Lomé. Les signataires ecclésiastiques, en situant la responsabilité de chaque camp (gouvernement et opposition), les convia à la table de négociations. Ainsi, répondant aux appels des uns et des autres, le 12 juin 1991, les négociations entre les deux parties furent sanctionnées par un accord signé à la présidence de la République par Yao Komlavi pour le gouvernement et Kwassi Lanyo Savi de Tové pour le COD. Au terme de l’accord en sept points, il a été convenu entre le gouvernement et le COD, dont la tenue d’une Conférence nationale et de son issue, la constitution du gouvernement de transition dirigé par un Premier ministre. Ce qui sortit le peuple togolais de l’impasse et du blocage des négociations.
Malheureusement, la Conférence nationale et la période transitoire vont plonger le pays dans de crises, n’ayant pas amené le Togo à une véritable démocratie souhaitée par le peuple.
1.2. La crise démocratique et la suspension de la coopération : la conditionnalité de l’Aide au développement
Dans le contexte du processus de démocratisation, les troubles que traversaient plusieurs pays de l’Afrique francophone traduisent, selon Jean-Pierre Cot[9] « un échec de l’Afrique mais aussi de la coopération française »[10]. Ainsi, préconisait-il que l’aide française et européenne devrait être conditionnée à « un minimum de respect des droits de l’Homme et d’une exigence minimale en matière de démocratie »[11] par les régimes qui en bénéficient.
Au Togo, l’avènement du multipartisme et d’une certaine liberté d’expression n’ont pas empêché que de graves atteintes aux droits de la personne continuent d’être commises en toute impunité. Les crises socio-politiques que le pays a connues ne sont pas seulement de la période transitoire, mais elles ont commencé au début du processus de démocratisation.
À la suite des troubles d’octobre 1990, les conducteurs déclenchèrent leur grève du 26 au 28 novembre 1990. Cette grève s’inscrivant dans le cadre syndical, eut des prolongements politiques. C’était aussi un prétexte aux revendications politiques des associations.
Seules les fêtes de fin d’année ont apporté une certaine accalmie. Ces manifestations et d’autres au début de 1991, se sont durcies le 16 mars 1991 par l’appel à la grève générale lancée par Me Yaovi Agboyibo, président du Front des associations pour le renouveau (FAR). Ce qui obligea le gouvernement togolais à la négociation.
Les ailes marchantes du RPT devinrent les ailes marchantes de la démocratie. Déjà, dans le mois de janvier 1991, la Confédération nationale des travailleurs du Togo (CNTT) se lança dans le processus de démocratisation, comme le témoigne son 11e conseil général, tenu en avril 1991 avec le thème : « l’Avenir de la CNTT face au nouvel environnement politique du pays ». À l’issue des travaux, le syndicat des travailleurs enfonça les clous de la fin du parti unique en proclamant son indépendance vis-à-vis du RPT[12].
À l’appel du collectif du Front des organisations démocratiques (FOD) et des associations, la Confédération nationale des travailleurs du Togo a suivi la grève générale lancée le 1er juin 1991. Il a fallu un accord intervenu entre le gouvernement et le Collectif d’opposition démocratique (COD) pour dénouer la crise. À ces évènements, ajoutons les revendications des enseignants des écoles confessionnelles.
En mars 1991, les mouvements d’agitation à l’actuelle Université de Lomé organisées par les associations estudiantines favorables à la démocratie, touchèrent également les établissements tant publics que confessionnels. En effet, les problèmes des enseignants des écoles catholiques et protestantes sont liés à leurs salaires (inférieurs à leurs homologues du secteur public), à la maigre subvention de l’Etat, et aux indemnités de logement. N’étant pas satisfaits par la direction diocésaine de l’enseignement catholique après plusieurs requêtes, les enseignants lancèrent la grève. Cette grève observée un peu partout dans le pays, occasionna des manifestations de rues entraînant deux morts.
Après avoir concédé le multipartisme, le président Eyadema organise la Conférence nationale en juillet 1991 qui a duré jusqu’au 28 août et connu de troubles. À titre d’exemple, la proclamation de la souveraineté de la Conférence nationale qui a indigné la délégation des Forces armées togolaises.
À peine sortie des balbutiements pour prendre véritablement corps et avancer, la Conférence nationale togolaise s’est trouvée brusquement bloquée à cause de la proclamation de sa souveraineté. À l’origine, dans la plupart des pays africains en voie de transition démocratique, la Conférence nationale n’était qu’une instance consultative. Pourtant, dès son ouverture, la Conférence s’est déclarée « souveraine »[13]. En effet, les conférences nationales n’étaient à l’origine que consultatives pour un motif évident : elles étaient autorisées, voire organisées par le chef de l’Etat, le président-fondateur du parti unique. Les conférences devaient donc cohabiter avec le président après avoir commencé leurs travaux, tandis que ce dernier entendait bien garder la mainmise sur elles pour conserver ensuite le pouvoir.
Cette conception de la souveraineté n’est pas partagée par les forces armées togolaises qui ne voulaient même pas participer à la rencontre nationale. Ainsi, les délégués de l’armée quittèrent la Conférence nationale au moment où l’acte de la souveraineté fut proclamé le 16 juillet 1991. En effet, les vingt actes pris à la conférence revêtaient d’une importance capitale, sauf que certains n’avaient pas trouvé écho favorable auprès de la présidence de la République et du gouvernement. C’est ainsi que les actes n° 1 (proclamant la souveraineté de la Conférence)[14] et d’autres sont restés invalidés comme le stipulait l’ordonnance n° 91-06 du 26 août 1991[15]. Ce qui provoqua une vive émotion dans la salle. Furieux, les délégués des FAT et du gouvernement quittèrent la salle de la Conférence. Ce qui amena le président de ladite Conférence, Mgr Kpodzro à suspendre les travaux provisoirement, parce qu’il avait beaucoup lutté pour leur présence.
Aussi, selon les accords préparatoires de cette Conférence, l’ordre du jour et ses orientations ne seraient pas remis en cause par le chef de l’Etat. Or, dès le début ce point est contesté par Eyadéma. De plus l’improvisation et l’impréparation de cette Conférence, ainsi que les divisions présentes au sein même de l’opposition expliquent largement l’échec d’une transition démocratique jusqu’à l’élection présidentielle d’août 1993.
Débutée dans une ambiance de sérénité, la fin de la Conférence nationale souveraine a été marquée par des incidents qui allaient complètement remettre en cause l’effort du peuple togolais vers la démocratie. Ces incidents se sont produits le 23 août 1991 dans la salle de la Conférence à la suite d’une annonce de complot contre l’Etat. Le lundi 26 août 1991, en pleine séance de travail, les conférenciers apprirent la suspension de la Conférence par le chef de l’Etat. Le président Eyadema annonça « la suspension provisoire de la conférence nationale afin qu’un compromis soit trouvé pour dénouer cette crise et favoriser une transition pacifique »[16]. Toutefois, les délégués ont pu clôturer les travaux avant leur sortie de la salle.
A l’issue de la Conférence nationale, Joseph Koffigoh est élu Premier Ministre, et Monseigneur Philippe F. Kpodzro nommé président du Haut Conseil de la République (HCR)[17] pour assurer la transition. La période de la transition démocratique au Togo a généré des tensions sociales et politiques importantes, lesquelles tensions sont décrites par K.K. Eloh (2016, p. 272-274) :
Elles se sont traduites par des troubles interethniques et des atteintes nombreuses à l’ordre public. Les biens publics et privés ont été constamment la cible des manifestants. Le résultat a été la destruction des maisons, leur plasticage et leur mise à sac. Les dégâts ont été considérables. On a assisté à une incitation à la haine tribale qui a occasionné des règlements de compte dans les villes, les villages et les quartiers.
Déjà à la cérémonie de clôture de la Conférence nationale, les Togolais savaient ou pressentaient que la transition n’allait pas être facile à vivre suite aux divers incidents et malentendus qui ont émaillé les débats. À peine installé, le HCR est contesté par une partie de l’armée qui est le noyau dur et ne voulait pas le changement[18]. Le 1er octobre 1991, un groupe de militaires armés s’empara des stations de la radio et de la télévision nationales en réclamant la dissolution du Haut Conseil de la République et son remplacement par un parlement que devaient former de concert le chef de l’Etat et le premier ministre[19].
La dissolution du RPT par le HCR le 26 novembre 1991 va créer encore de vives tensions dans le pays. C’est dans ces circonstances qu’une délégation béninoise conduite par Mgr Isidore de Souza se rendit en décembre 1991 au Togo, pour rencontrer les responsables des institutions de la transition afin de trouver un heureux dénouement à la crise politique (K.K. Eloh, 2016, p. 277). Après les discussions, Mgr de Souza, président du Haut Conseil de la République béninoise, s’est réjoui des décisions prises par les protagonistes : « … Tous ceux que nous avons rencontrés souhaitent une réconciliation entre l’armée et la population togolaise. Une véritable réconciliation »[20]. Néanmoins, la joie du prélat béninois exprimée en ces termes : « nous sommes heureux de retourner au Bénin et de dire au président Soglo … que partout nous avons rencontré une ferme volonté de tout un chacun de voir la situation se débloquer »[21], ne fut que de courte durée. Puisque les crises socio-politiques se sont multipliées, empêchant une transition pacifique et une réconciliation nationale.
Ainsi, les affrontements entre civils et militaires ont fait de nombreuses victimes parmi lesquelles des morts et des blessés. Une semaine plus tard, les mêmes militaires récidivent et tentent cette fois-ci d’enlever le premier ministre, Me Joseph Koffigoh. Dans les deux cas, la situation a été normalisée par l’intervention du président Eyadema. Toutefois, les violences ne connurent pas de fin : de fin octobre au début de novembre 1991, des affrontements sanglants se sont produits à Barkoissi dans les Savanes entre Moba et Tchokossi où des scènes de vandalisme ont été enregistrées. Les tentatives de dénouement de la crise ne changèrent pas la situation. Durant l’année 1992, les attentats parfois mortels auxquels il faut ajouter les grèves des syndicats, se sont multipliés contre les leaders de l’opposition. Par exemple, le 4 mai 1992, le président de l’Union des forces de changement (UFC), Gilchrist Olympio fait l’objet d’un attentat. Puis, le 23 juillet 1992, Tavio Amorin, leader du Parti socialiste panafricain, est assassiné. Ces événements donneront d’ailleurs lieu à une enquête de la Fédération internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH)[22]. Cette intervention de l’armée est suivie d’autres qui, en plus de faire des morts, incitent des centaines de milliers de Togolais à quitter pour des pays comme le Ghana et le Bénin.
La situation s’est dégradée tout le long du processus démocratique, les forces de l’ordre étaient placées dans une situation fort embarrassante pour exercer leurs prérogatives dans de bonnes conditions. Les autorités chargées du maintien de l’ordre public et les autorités judiciaires ont eu alors beaucoup du mal à remplir leurs missions. Cette période de grande insécurité aboutit à la conclusion d’une commission paritaire mise sur pied le 28 juillet 1992[23], devant ramener la sécurité sur le plan des activités politiques. Les travaux de cette commission ont tourné autour des points de divergence sur l’organisation des consultations électorales, sur l’amendement des différents textes y afférents (code électoral et projet de constitution) et surtout, sur le point essentiel de la prorogation de la durée de la transition qui, selon l’article 66 de l’acte n° 7, devait arriver à son terme le 28 août 1992.
Malgré les efforts de la commission paritaire, les élections n’ont pu tenir dans le délai. Les tensions sont restées vives et se sont traduites par un mouvement de grève générale et des heurts entre partisans de sensibilités diverses. C’est dans ce même contexte que les hauts conseillers de la République ont été séquestrés par les militaires les 22 et 23 octobre 1992. Pour pallier cette situation, un gouvernement de crise a été formé à la tête duquel, le premier ministre Koffigoh a été reconduit par décret présidentiel[24]. L’adoption et la promulgation de la Constitution de la IVe République le 27 septembre et le 14 octobre 1992 engagent de nouveau le pays dans un pluralisme démocratique. Le « oui » obtient 99% des suffrages exprimés. Les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) sont indépendants et séparés.
Face à ce qui est perçu comme une tentative de reprise en main par le pouvoir, le général Eyadema confirmant dans leurs fonctions des ministres démis par le chef du gouvernement, les syndicats s’engagent dans la grève illimitée en novembre 1992. Ainsi, les élections présidentielles et législatives prévues durant la période de transition sont suspendues en raison de la grève générale illimitée et de l’appel à la désobéissance civile lancé par les syndicats en novembre 1992. Cette grève durera huit mois.
L’évènement qui allait sceller le sort du Togo est celui de Lomé, précisément la place de Fléau Jardin. En effet, le 25 janvier 1993, Marcel Debarge, ministre de la Coopération, fait une visite commune à Lomé avec le secrétaire d’Etat allemand aux Affaires étrangères, Helmut Schaeffer. Pour exprimer leurs indignations au régime au pouvoir, comme en 1957, l’opposition organise des manifestations qui sont malheureusement réprimées dans le sang à la place Fléau Jardin. Face à cette situation, la Communauté économique européenne (CEE) a décidé de suspendre de facto sa coopération avec le Togo pour protester contre la répression de cette manifestation par l’armée qui a fait au moins 16 morts et une quarantaine de blessés pendant la visite commune.
Pour débloquer la coopération rompue avec la CEE, les Togolais ont sollicité la médiation du Burkina-Faso. Après une rencontre soldée par un échec, les représentants du président Eyadéma et de son gouvernement d’une part, et ceux du Collectif de l’opposition démocratique (COD II) d’autre part, se sont finalement rendus à Ouagadougou du 17 au 21 juin et du 9 au 11 juillet 1993 pour examiner les questions relatives à la sécurité et à l’organisation des élections (présidentielle et législatives) au Togo.
Au terme des discussions, les deux délégations, soucieuses de restaurer la paix, la sécurité et la confiance mutuelle ont convenu de plusieurs points, notamment la réaffirmation du caractère apolitique des forces armées togolaises et des forces de sécurité publique et leur neutralité vis-à-vis des partis et des sensibilités politiques. Pour suivre la mise en œuvre de l’Accord de Ouagadougou III[25], un comité national de suivi et un et international de suivi ont été créé. Le comité national de suivi rendait compte au gouvernement de l’application de l’accord, et entretenait une liaison permanente avec le comité international de suivi composé de l’Allemagne, du Burkina-Faso, de la France et des USA.
La bonne gestion de l’Accord de Ouagadougou III devrait aussi passer par la reprise économique. C’est ainsi qu’à partir de mi-juillet 1993, des contrôles de prix sont effectués afin de normaliser le prix sur les marchés et de lutter contre la spéculation. La campagne d’achat des produits agricoles devrait atteindre un niveau de réalisation de 95%.[26]
Pour dénouer la crise dans laquelle le Togo était plongé depuis le début du processus de démocratisation et conscients aussi que seules les élections peuvent la résoudre, les protagonistes ont décidé la tenue des élections présidentielles et législatives organisée par une Commission électorale nationale (CEN), dont l’autonomie fait partie des décisions prises au Burkina-Faso. En effet, l’enjeu de Ouaga III était surtout de déterminer de façon consensuelle le calendrier de l’élection présidentielle au Togo. La partie présidentielle exige la date du 22 août 1993 et le COD II celle du 29 septembre de la même année. Après trois jours de discussions soit le dimanche 11 juillet, ils finissent par parapher l’accord de “Ouaga III”. Le facilitateur Blaise Compaoré a tenu à ce que l’accord soit signé en terre togolaise. Dans la soirée, il se rend à Lomé. Il est 19 heures dans la capitale togolaise lorsqu’intervient la signature de l’accord, en présence du président Gnassingbé Eyadéma, son Premier ministre Joseph Kokou Koffigoh. M. Barké représente la mouvance présidentielle et Léopold Gnininvi, le COD II. Les ambassadeurs d’Allemagne, de France et des Etats-Unis sont présents comme observateurs. L’accord conclu fixe au 25 août l’élection présidentielle. Un document traitant des questions de sécurité et de règles électorales avait été déjà signé dans la matinée entre le COD II et le camp présidentiel.
Malgré le boycott de certains candidats pour des raisons d’irrégularité, le premier scrutin présidentiel pluraliste du Togo indépendant tenu le 25 août 1993. Ce scrutin a été supervisé par les observateurs de l’OUA, de la France, etc. comme convenu à Ouagadougou, sans oublier le centre Carter et l’Institut national démocratique des Etats-Unis, représentés par l’ancien président Jimmy Carter. Selon les observateurs français qui n’ont pas manqué de relever les insuffisances[27], ces élections dans l’ensemble paraissent « constituer un progrès vers l’établissement d’un régime démocratique »[28].
Pour le parti Comité d’action pour le renouveau (CAR), les élections du 25 août 1993 sont « contraires aux accords de Ouagadougou »[29], car toutes les sensibilités politiques ne les ont pas participées. Il souligne, « malgré les inquiétudes inhérentes à des irrégularités constatées et relevées par l’opposition, dans son ensemble, le gouvernement n’a pas daigné reporter » les élections « comme le souhaite toute l’opposition », d’où son boycott et estimait que « ces élections devraient être rejetées ». Tout compte fait, les résultats de ce scrutin présidentiel ont été validés et le général Eyadéma est réélu avec 96,49% des suffrages, pour 36% du taux de participation. A la suite de la présidentielle, les Togolais ont pu tenir les élections législatives auxquelles ont pris part l’opposition modérée notamment le CAR et l’UTD.
C’était le 6 février 1994 pour le 1er tour et le 20 février pour le 2e jour. Ainsi, le Togo a pu poursuivre ‘‘clopin-clopant’’ dans la réconciliation nationale. Les élections présidentielles de 1998, critiquées et condamnées par les forces politiques de l’opposition et l’Union européenne pour incrédibilité, ont permis de réélire Eyadema à la tête de la magistrature suprême au Togo avec 52% des voix. La mission d’observation de l’UE condamne la conduite du processus électoral et est contrainte de quitter le pays sous la menace des autorités togolaises. L’UE confirma la suspension de sa coopération. Selon Amnesty International, des centaines d’opposants sont arrêtés et exécutés de manière sommaire par les forces armées[30].
La modification de la constitution en 2002 sauta le verrou de la limitation du mandat présidentiel à deux, le rendant illimité. Il se présenta à nouveau aux élections de 2003 et est réélu. Ce contexte rendit tendu le climat politique et ne rassura pas pour une reprise de la coopération.
A plusieurs reprises, le président Eyadéma a tenté une réconciliation entre les frères togolais ; et cela pour attirer à nouveau la coopération avec l’Union européenne, une coopération rompue (à l’exception des secteurs sociaux) depuis 1993 pour “déficit démocratique et graves atteintes aux droits de l’Homme. L’aide de l’UE à la population togolaise n’a néanmoins pas été interrompue, avec la mise en œuvre de nombreux programmes directement en faveur de la population.
Pour faire évoluer la situation politique et diplomatique, le général Eyadéma Gnassingbé prit en avril 2004 vingt-deux (22) engagements devant l’Union européenne à Bruxelles. Ces engagements devraient ouvrir la vie à la reprise de la coopération.
2. La démocratisation du Togo : condition sine qua non pour la reprise de l’assistance au Développement de L’EU
Une crise de démocratisation a entrainé la rupture de la coopération entre le Togo et ses partenaires internationaux, en l’occurrence l’Union européenne. En 2004, Avec l’arrivée au pouvoir de Faure Essozimna Gnassingbé, suite au décès d’Eyadema Gnassingbé le 5 février 2005 ayant présidé la destinée du pays pendant 38 ans, un air nouveau souffle sur la vie politique togolaise. Le nouveau régime donne des gages de démocratisation à l’Union européenne pour la reprise de la reprise de la coopération.
2.1. Les engagements du Togo vis-à-vis de l’Union européenne
Le dialogue a repris entre le Togo et l’Union européenne dans le cadre du processus des 22 engagements. Ces derniers sont des conditions à respecter pour une reprise de la coopération suspendues depuis une dizaine d‘années pour ‘‘déficit démocratique’’.
Dans le cadre des accords de Cotonou qui la lient aux pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), l’Union européenne a accepté d’ouvrir un dialogue avec le Togo[31]. Dans ce cadre, sous le gouvernement SAMA, le Togo a souscrit, le 14 avril 2004 à Bruxelles, à 22 engagements pour corriger le déficit démocratique et les violations des droits de l’Homme. Plusieurs conditions posées sont acceptées par le Togo : la reprise du dialogue inter-togolais ; l’action libre et financement des partis politiques ; révision du cadre électoral et organisation des élections transparentes et démocratiques dans un délai consensuel ou constitutionnel ; garantie d’un Etat de droit, des droits humains ; libération des prisonniers politiques ; traitement rapide des dossiers des prévenus ; visite des ONGs dans les prisons ; véritable indépendance de la commission nationale des Droits de l’homme ; indépendance et impartialité judiciaire ; mise en conformité du code de la presse par rapport aux normes internationales ; libre d’action pour les ONGs et la société civile ; liberté d’expression, de réunion, de circulation et de manifestions pacifiques ; garantie d’accès à l’information ; et l’indépendance de la haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication. Le Togo s’est aussi engagé à fournir des rapports le 1er juin et le 1er juillet 2004 aux instances de l’Union européenne, portant sur les progrès réalisés dans les différents domaines du dialogue, et sur l’accomplissement des engagements pris. Enfin, la disponibilité des autorités togolaises à participer au dialogue sur place et à faciliter des missions éventuelles des fonctionnaires de la Commission et de la Présidence au Togo, dans le cadre du dialogue entamé est admise. Dans l’esprit du partenariat qui inspire l’Accord de Cotonou, l’Union européenne s’est déclarée prête à apporter son soutien financier et technique à la mise en œuvre desdits engagements.
L’Etat s’est mis au travail pour la mise en œuvre des engagements. Cinq mois après, en septembre 2004, le gouvernement, à travers son Ministre de la coopération et des affaires étrangères, Kokou Biossey Tozoun, se félicite des progrès réalisés dans le cadre de la mise en œuvre de ces engagements couvrant notamment les domaines suivants : le respect des droits de l’homme; le renforcement des libertés fondamentales ; la création d’un code de la presse et de la communication privée à caractère libéral et dépénalisé ; la mise à jour de la loi relative à la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication; le projet de loi renforçant l’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme; le projet de loi électorale améliorée visant une plus grande transparence du processus électoral ; et le projet de loi sur le financement des partis politiques. Pour lui, 80% du contenu des engagements pris sont mis en œuvre[32]. L’opposition a une autre lecture de l’exécution des 22 engagements. Le 14 juillet 2005, la coalition de l’opposition formée de l’Alliance pour la démocratie et le développement intégral (ADDI), du Comité d’action pour le renouveau (CAR), de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), de l’Union des démocrates socialistes du Togo (UDS-Togo) et de l’Union des forces du changement (UFC), fait quant à elle le double constat amer selon lequel, quinze mois après le démarrage des consultations,
« Le Gouvernement ne s’est pas conformé à l’essentiel des engagements pris notamment aux deux fondamentaux concernant le dialogue national et le cadre électoral consensuel, et a par-là, mis dans une situation précaire les quelques progrès relevés dans un certain nombre de domaines ; le non-respect des 22 engagements s’est révélé tout particulièrement à l’occasion du scrutin présidentiel du 24 avril 2005 »[33].
Le scrutin dont fait allusion l’opposition a permis l’élection de Faure E. Gnassingbé à la présidence de la République en remplacement d’Eyadema Gnassingbé décédé le 5 février 2005.
L’Union européenne a suivi le processus et a procédé périodiquement à l’évaluation de l’état de mise en œuvre des engagements souscrits par le gouvernement togolais. Elle a envoyé plusieurs missions à cet effet, dont celle de juin et juillet 2004. Elles relèvent des manquements concernant des engagements, notamment le dialogue national et le cadre électoral consensuel. A ce sujet, le Conseil de l’Union Européenne, réuni le 15 novembre 2004 à Bruxelles, a, entre autres décisions, recommandé au Gouvernement : « (a) a mise en œuvre du dialogue national dans un cadre structuré et transparent conformément à l’engagement n°1-1 ; (b) la révision (dans le contexte de ce dialogue) du cadre électoral garantissant un processus transparent et démocratique conformément à l’engagement n°1-3. »[34].
De réelles avancées ne sont pas réalisées sur ces sujets dans un consensus politique jusqu’aux élections présidentielles de 2005. Ces dernières sont émaillées de violences avant, pendant et surtout après le scrutin. Elles ont fait des centaines de morts, des arrestations et emprisonnements des partisans de l’opposition. Le processus prit donc du plomb dans l’aile. Redonner confiance à l’opposition politique et à communauté internationale devient un défi pour le nouveau gouvernement.
2.2. Le rétablissement du processus de démocratisation et le retour de l’Aide au développement
Après son élection dans un contexte politique assez tumultueux et critique, le chef de l’Etat Faure E. Gnassingbé, s’est mis dans un processus de de réconciliation nationale et de séduction de la communauté internationale, en s’engageant dans les reformes politiques. Il est indispensable pour le Togo de travailler pour une réconciliation et paix intérieure, et d’être en odeur de sainteté avec les partenaires internationaux du Togo, notamment l’UE auprès de qui le Togo a souscrit à des engagements en 2004 en vue de la reprise de ma coopération. Le processus a duré environ quatre ans pour rétablir le processus de démocratisation et la coopération depuis la prise des engagements. Après les élections présidentielles sanglantes de 2005, un Accord politique global (APG) fut signé entre le gouvernement et les principales forces politiques de l’opposition en 2006.
Dès lors, le Togo s’est engagé dans un chantier de réformes constitutionnelles, institutionnelles, électorales, économiques et sociales. Il a adopté des versions successives d’un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP). L’UE a soutenu le pays dans la voie de sortie de crise et dans la mise en œuvre des réformes, grâce à un appui politique, technique et financier articulé sur trois domaines d’action prioritaires : la gouvernance démocratique, l’appui à la relance économique via les infrastructures, et l’appui macroéconomique[35].
Depuis la signature de l’APG, nombre de partenaires techniques et financiers ont repris la coopération avec le Togo. L’aide publique au développement est ainsi passée d’une moyenne de 3,8% du revenu national brut entre 2002 et 2007 à 15,5% entre 2008 et 2011. Celle-ci représentait ainsi 384 millions de dollars en 2011 (Analysis For Economic Ddcisions, 2014).
Aussi, le Togo a bénéficié des initiatives internationales d’apurement des arriérés de la dette extérieure (IPPTE/IADM). Le cadre de l’IPPTE était ainsi le point de référence des bailleurs jusqu’à fin 2010. Celui-ci fut suivi par le Dispositif institutionnel de suivi et évaluation des politiques de développement (DIPD), institué en décembre 2010 par décret gouvernemental.
La coopération de l’UE avec l’État togolais a formellement repris en novembre 2007, tout d’abord sur reliquat du 9ème FED, puis dans le cadre du Document Stratégique et Programme Indicatif National (DSP-PIN) signé en mai 2008. Le dialogue politique a quant à lui été mis en œuvre à partir de fin 2008 dans le cadre de l’article 8 de l’Accord de Cotonou. Il a été consacré au début essentiellement à la mise en place d’un cadre électoral satisfaisant pour les élections présidentielles de 2010. Plus généralement, la reprise de la coopération en 2007, après une longue période d’interruption, a été confrontée à une courbe d’apprentissage importante, aussi bien du côté de l’UE que de celui des autorités togolaises (Analysis For Economic Decisions, 2014). En 2009, l’UE a appuyé le Togo dans l’installation de la Commission-Vérité-Justice et Réconciliation (CVJR) pour soutenir la réconciliation. Dans le cadre de la reprise de la coopération, l’UE a engagé des fonds au Togo dans domaines comme le montre le graphique n°1.
Au total, l’UE a engagé 286 millions d’euro pour accompagner le Togo dans ses réformes politiques et institutionnelles, et ses projets de développement, avec deux pics financiers, 2007 (74 millions d’Euro) et 2012 (86 millions d’Euro).
Conclusion
L’état de dans lequel se présente le processus de démocratisation influence les relations du Togo avec ses partenaires internationaux, surtout l’UE l’un des plus importants partenaires en développement internationale. Elle a su jouer sur sa coopération avec le Togo pour obliger le gouvernent à ouvrer pour la reprise du processus de démocratisation.
Le Togo a entamé son renouveau démocratique à partir de 1990. Le processus a été émaillé d’actes antidémocratiques (intransigeance politique, intolérance sociale, tribalise, régionalisme, violence, etc.). Cette situation de déficit démocratique et de graves violations des droits de l’homme a entrainé la suspension par la communauté internationale, l’Union européenne principalement, de sa coopération avec le Togo en 1993. Ce déficit ne s’est pas amélioré avec des élections présidentielles contestées de 1998 et 2003, des arrestations et meurtres d’opposants politiques, le non-respect des libertés individuelles et collectives, etc. Pour renouer avec la communauté internationale, le Togo a souscrit à 22 engagements à Bruxelles auprès de l’UE pour se relancer dans le processus de démocratisation. Le pays s’est lancé dans la réalisation de ces engagements avec l’appui de l’UE. Après la signature de l’APG en 2006, progressivement le lien entre le Togo et ses partenaires internationaux est rétabli. L’UE a repris sa coopération en 2007. Une évaluation à mi-parcours faite sur la période 2007-2013 se satisfait globalement des réalisations dans le cadre de la reprise de la coopération.
Même si la situation politique est critiquée de l’intérieur par des acteurs de la société civile et de la classe politique, le Togo a globalement la confiance de ses partenaires internationaux avec qui la coopération se poursuit.
Bien que l’efficacité de l’APD fasse l’objet de plusieurs discussions, le cas du Togo est très révélateur et peut servir à relancer le débat. L’EU a su utiliser son APD au Togo pour obliger le gouvernement a la reprise du Processus de démocratisation. Cette étude révèle que pour les pays dont l’économie intérieur repose essentiellement sur l’aide extérieur surtout l’APD, l’efficacité de l’Aide au développement dépend forcement de sa conditionnalité. Au Togo, l’un des rares cas, l’aide au développement se révèle efficace dans son utilisation pour rétablir le processus démocratique.
Même si le cas du Togo est révélateur, il reste à savoir si la conditionnalité peut-elle toujours rendre l’APD efficace sur la scène internationale qui voit surgir une multitude d’acteurs intervenant dans le domaine de la coopération internationale pour le développement.
Références
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Archives de l’archidiocèse de Lomé : source et période : Mgr KPODZRO
Série M : Le rapport avec l’autorité civile (politique).
Journal officiel de la République togolaise (JORT) : 1990, 1991, 1992, 1993.
Loi n° 87-09 du 9 juin 1987, portant création de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH).
Loi n° 92-4 du 20 juillet 1992 portant organisation du référendum constitutionnel.
Loi n° 92-001/PR du 27 août 1992 portant modification de l’acte 7 de la Conférence nationale souveraine du 23 août 1991 portant loi constitutionnelle organisant les pouvoirs durant la période de transition.
Loi n° 92-3/PR du 27 août 1992 portant maintien du Haut Conseil de la République dans sa composition actuelle.
Loi n° 92-4/PR du 27 août 1992 portant maintien du Premier ministre dans ses fonctions actuelles.
Décret n° 91-182 du 2 juillet 1991 portant convocation de la Conférence nationale.
Décret n° 91-202 du 26 août 1991 portant suspension provisoire de la Conférence nationale.
Ordonnance n° 91-06 du 26 août 1991 portant non validation de certains actes de la Conférence nationale.
Nouvelle Marche ou Togo-presse, de 1990 à 1993, les numéros concernés sont consultés.
Analysis for Economic Dcisions, 2014, Avaluation de la coopération de l’Union européenne avec la République togolaise, 2007-2013, Rapport final, volume I, Volume principal,
AGAYI Kodjo Marc, 2010, L’engagement politique des chrétiens dans les pays francophones de l’Afrique de l’ouest, Thèse de doctorat en théologie, Université de Strasbourg.
AGBOYIBO Yawovi, 1999, Combat pour un Togo démocratique, Paris, éditions Karthala.
AMEGANVI Claude, 1998, Pour l’Avenir du Togo, Lomé : Nyawo.
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FEDERATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME, Togo :
Des pratiques totalitaires, Rapport de janvier 1999, n°269.
GNAMEY Gaston, 2013, Histoire d’un homme d’Eglise : Monseigneur Philippe Fanoko Kossi KPODZRO 1930- 2011, Mémoire de maîtrise en Histoire, Université de Lomé, 121 p.
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SASSOU F.A., 2001, La problématique de l’alternance politique au Togo, Paris, L’Harmattan.
Interviews.
N° |
Nom et Prénoms |
Age |
Titre |
Date et lieu de l’entretien |
1 |
AKOUSSAH Demanya |
57 ans |
Pasteur, chef des Ressources humaines de l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo |
Le 15 juillet 2021 à Lomé |
2 |
BEBEFE Kossi |
58 ans |
Pasteur à l’Eglise évangélique presbytérienne du Togo |
Le 25 juin 2021 à Lomé |
3 |
Me Djovi GALLY |
67 ans |
Avocat à la cour de justice |
Le 14 juillet 2021 à Lomé |
4 |
KPODZRO Fanoko Philippe |
91 ans |
Archevêque émérite de Lomé |
Le 20 juin 2021 à Lomé |
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Un regroupement d’associations né au moment où les partis politiques étaient interdits. ↑
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Djovi Gally, 65 ans, avocat à la cour, entretien du 14 juin 2019 à Lomé. ↑
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Djovi Gally, 65 ans, avocat à la cour, entretien du 14 juin 2019 à Lomé. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3198 du 22 mai 1990, p. 7. ↑
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Ce qui justifierait la suppression de la primauté du parti unique sur les institutions de l’Etat. ↑
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Un regroupement d’associations né au moment où les partis politiques étaient interdits. ↑
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Un peu partout s’organisaient les Conférences nationales. ↑
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Il s’agit de l’Eglise catholique, évangélique presbytérienne, des assemblées de Dieu, l’Eglise luthérienne, et la Convention baptiste. ↑
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Président à l’époque du groupe socialiste au Parlement européen et ancien ministre français de la Coopération. Il démissionna en 1982 après quelques mois au gouvernement, à la suite de désaccord sur la politique africaine imposée par la présidence française (La Nouvelle marche, n° 3204 du 30 mai 1990, p. 5). ↑
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La Nouvelle marche, n° 3204 du 30 mai 1990, p. 5. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3204 du 30 mai 1990, p. 5. ↑
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Elle a confirmé son appartenance à l’Organisation de l’unité syndicale africaine (OUSA) et à l’Organisation des travailleurs de l’Afrique de l’ouest (OTAO). ↑
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Seules les conférences malienne et gabonaise ne l’ont pas fait pour des raisons différentes. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3543 du 17 juillet 1991, p. 1. Cette souveraineté dont la Conférence avait fait usage était « une notion complexe dans le contexte historique où elle a été utilisée. Elle signifiait d’une part que toute décision prise par la Conférence devrait être exécutée pleinement. Mais elle envisageait aussi la négation de toute autre institution au-dessus de la Conférence nationale notamment l’existence du d’Etat d’alors. C’est en raison de cette complexité que sa mise en œuvre n’a pas été facile. Eyadema n’attendait pas reconnaître que les opposants refusent de l’admettre en tant qu’institution » (G. Gnamey, 2013, p. 66). ↑
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JORT, numéro spécial 25-36e Année du 26 août 1991, ordonnance n° 91-06 du 26 août 1991 portant non validité de certains actes de la Conférence nationale, p. 1. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3577 du 27 août 1991, p. 1. ↑
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Il s’agit de Parlement intérimaire. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3608 du 2 octobre 1991, p. 5. De nature, l’armée peut bouder comme tout homme mais ne peut pas contester. ↑
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Le groupe de militaires demandait aussi l’annulation des actes de la Conférence nationale souveraine non promulgués par le président de la République. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3563 du 16 décembre 1991, p. 3. ↑
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La Nouvelle marche, n° 3563 du 16 décembre 1991, p. 3. ↑
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Une mission internationale d’enquête. ↑
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Elle a regroupé en son sein une délégation de la sensibilité présidentielle et une délégation de l’opposition représentée par huit partis politiques. ↑
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Ce gouvernement est appelé à fonctionner sur la base d’un programme minimum de politique énuméré en sept points dont l’essentiel vise à rétablir la sécurité pour un aboutissement heureux de la transition démocratique. ↑
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Après deux tentatives soldées par un échec, c’est finalement à la 3ème rencontre, celle du 9 au 11 juillet 1993 qui a connu le soulagement des deux parties protagonistes, d’où l’appellation Ouagadougou III. ↑
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Togo-presse, n° 4007 du 15 juillet 1993, p. 1 et 3. ↑
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Le manque de temps pour la fourniture du matériel, des problèmes relatifs aux bureaux de vote restés fermés ou inexistants, etc. Aussi, dans la commune de Lomé, dans la préfecture du Golfe et des Lacs, des bureaux de vote équipés sont sans électeurs ou il n’y a que des délégués d’un seul candidat, le président Eyadema. ↑
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Togo-presse du samedi 28 août 1993, p. 5. ↑
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Togo-presse du samedi 28 août 1993, p. 5. ↑
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https://information.tv5monde.com/afrique/l-histoire-politique-agitee-du-togo-depuis-son-independance-5143, consulté le 22/ 06/ 2021 à 19 h 17 min. ↑
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Samson Didier, L’UE ouvre des consultations sur les sanctions : Le gouvernement togolais multiplie les appels du pied en direction de l’Union européenne en vue de la levée des sanctions qui frappent le pays depuis 1993. L’Union européenne avait déclenché son arsenal de sanctions pour « déficit démocratique ». www1.rfi.fr/actufr/articles/051/article_6329.asp17/03/2004 consulté le 22/ 06/ 2021 à 20 h 20 min. ↑
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https://www.un.org/press/fr/2004/Conf_de_presse_TOGO.doc.htm, consulté le 22/ 06/ 2021 à 20 h 20 min. ↑
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http://www.kas-benin.de/Togo-etat_actuel_engagements_14jul05.pdf, consulté le 22/ 06/ 2021 à 1è h 33 min. ↑
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https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Diplomatie/Le-Togo-tient-toujours-ses-engagements, consulté le 23/ 06/ 2021, à 13 h 20 min. ↑
Aide publique au développement et gouvernance démocratique : le cas de la coopération entre le Togo et l’Union Européenne
Kossi Ahossey
Received; 16/12/2021
Accepted; 19/01/2022
Online Published; 31/01/2022
LANGUAGE; FRENCH
ISSN: 2787-0146 International Journal of Social Sciences and Scientific Studies http://www.ijssass.com
A R T I C L E I N F O |
En guise d’introduction |
Mots clés: Aide Publique au DéveloppementDémocratieTogoEUCoopération |
En quoi l’Aide publique au développement a contribué à la normalisation de la gouvernance démocratique au Togo? Après plusieurs décennies d’existence, l’Aide au Développement continue de faire l’objet de plusieurs débats. La question de son efficacité, de son effectivité ou encore de sa conditionnalité ont fait l’objet d’ample discussions surtout que les résultats dans les pays receveurs sont mitigés et présentent plusieurs contrastes. Au Togo, pays majoritairement dépendant de l’aide publiquement au développement, le résultat est révélateur. En effet, le processus démocratique enclenchée dans les années 90 va très tôt connaitre un arrêt brutal dû aux actions du gouvernement en place. Cette situation de crise démocratique conduisit l’Union Européenne, principal donateur, à suspendre coopération avec le Togo et à conditionner l’APD au rétablissement du processus de démocratisation. Le gouvernement du Togo finira par signer des engagements avec l’accompagnement de l’UE au terme duquel, le process de démocratisation va reprendre son cours normal avec des élections générales parlementaires qui vont engendrer un gouvernement démocratique. |