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VECU QUOTIDIEN DES FEMMES CESARISEES SUR LES INFECTIONS POST OPERATOIRE☆
Valentin BOYA BWEMBOLA, Charles BOKOTA BONANGALEKI, John NOMUOMBANE MOTOBA, Catherine NATEGO MUSUNGUFU, Chadrack SHAMBA BASEANE, Mamie MUZIGIRWA MUNYERENKANE, MINA BLAISE AMORY, Emilie MBOLO ZONGA.*
Received 17 March2023; Accepted 28 June2023
Available online 2 July 2023
A R T I C L E I N F O
Keywords:
Vécu quotidien
Césarisées
Infections
Infections post opératoire
ABSTRACT
L’Organisation Mondiale de la Santé précise que l’infection post césarienne constitue un problème de santé publique partout au monde, dans les pays industrialisés aussi bien que dans les Pays en développement. L’auteur estime que sur l’ensemble des cas de chirurgie abdominale dans le monde, 2 milliards des opérés présentent l’infection post-opératoire dont 29,7% concernent les infections post-césariennes.
Objectif de cette étude est de comprendre le vécu quotidien des femmes césarisées ayant eu une infection du site opératoire afin d’améliorer leur prise en charge. Une étude qualitative d’inspiration phénoménologique dont la population est constituée des femmes qui ont subi la césarienne dont leurs plaies opératoires sont infectées en post-opératoire dans le service de gyneco-obstetrique de l’Hôpital Général de Référence d’Isiro. La taille de l’Echantillon a été constituée progressivement sur terrain jusqu’à la saturation. Les enquêtées interrogées à ce sujet ont présenté leurs vécus différemment. Les unes ont déclarées que l’infection est la présence des secrétions purulentes du site opératoire qui s’accompagnent de douleurs atroces, les autres disent que l’infection est une situation stressante et dégoutante qui engendre des conséquences néfastes telles que le prolongement supplémentaire du séjour hospitalier des césarisées, l’hémorragie financière et une charge supplémentaire pour l’entourage. Une autre catégorie a argumenté sur la relation soignant-soignée et la prise en charge personnelle par les mesures d’hygiène corporelle et environnementale.
Autrefois la césarienne était considérée comme une intervention dangereuse et de derniers recours, elle est maintenant proposée dans de nombreux accouchements, car ses indications jadis limitées aux dystocies mécaniques et aux obstacles prævia se sont beaucoup élargies [Ben Taieb MA, 2011] .c’est ainsi que nous notons une évolution de la fréquence des césariennes dans le monde.
Le taux de césarienne rapporte par la littérature fait état de 17-23% en France, 15,8% en Grande Bretagne, 35,43% aux Etats-Unis. [Bosselier Ph. 2012]. En Afrique les fréquences suivantes ont été rapportées : 15,01% ; Sénégal : 15,32% ; Burkina Faso 14,87% Cote d’Ivoire : 10,34% [Thoulon J M, 2010]. Malgré la grande sécurité de cette opération grâce aux progrès de l’anesthésie, l’asepsie, antisepsie, la réanimation, l’antibiothérapie, et en matière d’anatomie, la césarienne est loin d’être une intervention anodine.
La mort d’une femme en couche est une catastrophe tant pour la famille que pour la communauté et surtout pour le nouveau-né., (MINA A. B., 2023). En effet, elle peut être émaillée de complications diverses, allant des états morbides a la mort maternelle. La fréquence des complications morbides liées à une telle intervention impose des indications précises ainsi que des conditions appropriées d’asepsie. Une antibioprophylaxie pourrait se justifier par la présence d’un risque d’infection. Si l’antibiothérapie et l’amélioration des techniques chirurgicales ont permis de réduire ces complications dans les pays développés, celles-ci sont encore fréquentes dans les pays en développement dont le Mali et la RDC. Il peut s’agir d’endométrite, de thrombophlébite, de pelvipéritonite, de suppurations pariétales et d’anémie prolongeant ainsi le séjour hospitalier et augmentent le cout de prise en charge.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2011), précise que l’infection post césarienne constitue un problème de sante publique partout dans le monde, dans les pays industrialisés aussi bien que dans les Pays en développement.
En RDC, MITIMAK (2001) a mené une étude sur les facteurs associes aux infections post-opératoires dans les services de la chirurgie gyneco-obstetrique a l’HGR de Panzi, il est arrivé aux résultats selon lesquels les infections post-césariennes étaient de 33,8% et cette grande prévalence était due aux conditions précaires d’hygiène des hôpitaux dans notre Pays.
Dans le rapport de journal officiel du Ministère de la sante en RDC (2014), les infections postopératoires sont estimés a 6% comme fréquence annuelle en RDC. Ces infections survenant à la suite de l’intervention chirurgicale (journal officiel, rapport du Ministère de la sante, 2014).
Cependant, LABAMA.B. (2010), dans son étude sur les infections post- césariennes dans la ville de Kisangani situe sa fréquence à 11%. L’infection postopératoire existe et persiste dans les structures sanitaires de la Ville de Kinshasa, malgré l’utilisation des principes d’asepsie. C’est une bête noire qui ronge l’économie de la structure sanitaire, hôte du malade, du malade lui-même et de sa famille (MUTOMBO, KRUBWAY et KALUNDA, 2010).
Lors de la revue annuelle des activités sanitaires dans la Division Provinciale du Haut-Uélé en 2016, nous avons remarqué que les Zones de sante de ladite division rapportent encore à nos jours, présentent les taux élevés des infections du site opératoire malgré quelques progrès de la technique chirurgicale, de la stérilisation, de la désinfection et de l’efficacité des antiseptiques. Nous avons trouvé les taux élevés à 14% dans la zone de sante Urbano-Rurale d’Isiro ; 17% dans la zone de sante de DORIMA et 16% dans la zone de sante de RUNGU; (archive revue sante DPS HU, 2015).
Durant l’exercice des activités sanitaires 2016, l’Hôpital Général de référence d’Isiro, a enregistré 14%, le taux des infections post césariennes (Archive DPS HU, 2016). Durant notre séjour à l’hôpital Général de référence d’Isiro lors de l’enquête pilote, nous avons constaté 6 femmes sur 18 césarisées dont les plaies étaient infectées en post- césarienne, ce qui représente 33,3% des cas d’infection en deux mois.
Cette situation engendre plusieurs conséquences néfastes que vivent les césarisées durant leur prise en charge en hospitalisation telles que : la douleur atroce pendant le pansement qui constitue une situation stressante et dégoutante aux césarisées (l’infection sévère affecte la psychologie de la femme), le séjour prolonge a l’hôpital (la durée d’hospitalisation supplémentaire en cas d’ISO angoisse la césarisée), la cicatrice qui déforme l’esthétique physique de la femme, l’infection plonge la césarisée dans une situation économique très déplorable étant donne que la césarienne d’un cote et l’infection post césarienne d’un autre sont des situations inattendues, rongeant suffisamment l’économie du malade, de la famille et de la structure sanitaire. Nous n’avons pas trouvé les données en rapport avec le vécu quotidien des césarisées aux infections du site opératoire en RDC. Cette carence constitue la motivation de cette étude. Eu égard à cette situation, Nous nous sommes posé les questions de savoir, Comment les femmes césarisées ayant eu une infection du site opératoire ont- elles vécu leur prise en charge durant l’hospitalisation et Qu’expriment — elles comme attentes vis-à -vis du personnel soignant ?
Le but de cette étude est d’analyser le vécu quotidien des femmes césarisées ayant eu une infection du site opératoire afin d’améliorer leur prise en charge. Cette étude se situe dans le domaine de soins infirmiers, principalement dans son approche de la santé maternelle et infantile et de la gérontologie. Il s’agit d’une étude descriptive phénoménologique dans une recherche qualitative.
- MATERIELS
Notre étude s’est effectuée dans le service de gyneco-obstetrique de l’hôpital général de référence d’Isiro, dans la Province du Haut – Uélé en RD Congo. La cueillette des données s’est déroulée entre le 15 Aout et 15 Novembre 2019. Le moment ainsi que l’endroit de l’entretien étaient au chevet de lit des césarisées.
- METHODES, POPULATION, ECHANTILLON ET TRAITEMENT DES DONNEES
Une étude qualitative d’inspiration phénoménologique a été choisie pour cette recherche. Il convient de noter que notre recherche est descriptive où, il est demandé aux femmes ayant accouché par la voie haute dont les plaies ont été infectées, de décrire leurs vécus en répondant au questionnaire guide d’entretien leur adressé à cet effet. Dans le cadre de cette recherche, la population est constituée des femmes qui ont subi la césarienne dont leurs plaies opératoires sont infectées en post-opératoire dans le service de gyneco-obstetrique de l’HGR/Isiro. L’échantillonnage était non- probabiliste a choix raisonné, c’est-à -dire choix par le chercheur d’individus qui présentent des caractères typiques a notre recherche (AMULI, 2017).
Mais la taille de l’Echantillon a été constituée progressivement sur terrain jusqu’à la saturation. Concrètement, le nombre de participants s’est arrêté à treize, ce qui correspond à la taille de l’échantillon pour cette étude. Les treize sujets étaient susceptibles de nous fournir les informations nécessaires en lien avec la thématique de recherche. La technique de choix pour la collecte des données de notre recherche est l’interview non- structurée individuelle, face à face. Elle nous a permis de recueillir les données relatives au vécu quotidien des femmes césarisées sur leur prise en charge des infections du site opératoire. Nous avons utilisé un guide d’entretien semi- structuré d’une durée de 30 à 45 minutes avec enregistrement au Smartphone. Cet outil se voulait une méthode de collecte des informations qui se situe dans une relation de face à face entre l’intervieweur et l’interviewé.
Pour maintenir la validité du contenu de cet instrument, nous l’avons soumis à l’approbation de notre équipe de direction et aussi aux experts connaissant les problèmes des infections du site opératoire, ces derniers nous ont confirmé que son contenu répondait bien aux questions de recherche, aux objectifs de l’étude et correspond au domaine et thème de recherche. L’instrument a été conçu d’abord en français, puis traduit en lingala afin de faciliter la collecte des données auprès des répondants ne s’exprimant pas en français. Les trois versions ont été remises aux experts bilingues indépendants pour apprécier l’exactitude de la traduction (versions françaises et lingala). Les experts ont apporté des observations qui après amendement ont constitué les versions qui ont été utilisées durant l’enquête pilote. OMANYONDO (2018), parle des biais comme des déformations qui sont introduites au cours du processus de la recherche. Ils peuvent être lies aux facteurs matériels, facteurs relatifs à l’enquête ou l’enquêteur.
Nous avons créé les conditions matérielles favorables tout au long du processus de collecte des données. Bien que l’entretien ait eu lieu au chevet du lit du malade, nous avons fait tout pour qu’on soit seul dans un environnement calme. Pour nous rassurer de la qualité des données, le contrôle a été fait au niveau de l’enquête en collectant les données avec précision, en écartant les sujets ne répondant pas aux critères de sélection et en enregistrant correctement les discours des répondantes.
1. La collecte des données verbales
L’objectif est d’obtenir une description concrète et détaillée de l’expérience du participant afin d’en obtenir un portrait authentique, les entretiens ont été enregistrés, puis transcrits en verbatim.
Pour cette étape, nous avons lu attentivement chacune des descriptions obtenues de façon à développer un « senti »de ces données.
Ici, les données ont été divisées en unités de signification. C’est-à -dire qu’avec une relecture lente des verbatim, une certaine signification émergée. L’unité de signification débute et se termine lorsqu’un changement de sens est perçu dans le discours.
- L’organisation des données brutes dans le langage de la discipline
Nous avons analysé la signification de chacun des énoncés ou expressions retenues afin de les formuler clairement dans un langage disciplinaire (sciences infirmières).
Pour l’analyse des données, la dernière étape est celle de la synthèse des résultats qui permet de regrouper les données sous différents sous thèmes. Cette étape permet d’avoir accès à la structure des différentes essences du phénomène étudié.
Cette section présente les résultats de l’analyse, phase qui consiste à trouver un sens aux données recueillies et à démontrer comment elles répondent aux questions de recherche de cette étude :
1 Comment les femmes césarisées ayant eu une infection ont-elles vécu leur prise en charge durant leur hospitalisation ?
- Qu’expriment-elles comme attentes vis-Ã -vis du personnel soignant ?
3.1. Données Sociodémographiques des participantes
Encadre 1 : Données Sociodémographiques des participantes
Code identification | Age / Années | Etat civil | Etudes | Communes provenances | Sexe/ bébé |
E1 | 19 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | Commune
Mambaya |
Masculin |
E2 | 19 | Célibataire | Moins d’un diplôme d’Etat | C/ KUPA | Masculin |
E3 | 33 | Célibataire | Moins d’un diplôme d’Etat | C/
MENDAMBO |
Féminin |
E4 | 41 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | C/
MENDAMBO |
Masculin |
E5 | 24 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | Commune
Mambaya |
Masculin |
E6 | 18 | Célibataire | Moins d’un diplôme d’Etat | C/ KUPA | Masculin |
E7 | 20 | Mariée | Diplômée d’Etat | Hors Ville
d’Isiro |
Masculin |
E8 | 32 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | Hors Ville
d’Isiro |
Féminin |
E9 | 17 | Célibataire | Moins d’un diplôme d’Etat | Commune
Mambaya |
Féminin |
E10 | 42 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | C/
MENDAMBO |
Masculin |
E11 | 19 | Célibataire | diplômée d’Etat | C/
MENDAMBO |
Masculin |
E12 | 28 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | C/ KUPA | Féminin |
E13 | 17 | Mariée | Moins d’un diplôme d’Etat | C/ KUPA | Féminin |
Treize femmes ont participé à cette recherche. L’âge des participantes varie de 17 à 42 ans. Sur 100% des participantes, 58,3% sont des mariées et 41,7% des célibataires. 75% ont un niveau d’études inferieur au diplôme d’Etat et 25% sont diplômées d’Etat. 16.6 % habitent hors la ville d’Isiro.
3.2. Resultats de l’Analyse Qualitative
Avec les cinq étapes de Giorgi (1997a), l’analyse
thématique a fait émerger huit sous- thèmes principaux :
- La compréhension d’infection post-opératoire
- perception de la gravité de l’infection
- expérience sur apparition des signes
- vécu sur les conséquences de l’infection post-césarienne
- vécu sur le contrôle de l’infection post-césarienne
- Défis à relever concernant la prise en charge
- L’attente vis-Ã -vis du personnel soignant
- Expérience Vécue de la Personne qui prend en charge l’enquêtée
Encadre 2 : Le vécu quotidien de césarisées sur les infections
Dans cet encadré, nous constatons que les césarisées enquêtées témoignent la présence des sécrétions purulentes sur la plaie opératoire, une douleur supplémentaire qui s’ajoute à ces sécrétions comme leurs compréhensions de l’infection post- césarienne. Elles ajoutent que l’infection post césarienne était mauvais sort jeté par les gens de mauvaise foi. En ce qui concerne leur sentiment psychologique face à l’infection, pour les femmes césarisées la situation est stressante et dégoutante.
Encadre 3: perception de la gravite de l’infection
Il est illustré dans cet encadré que, l’infection post-opératoire est perçue comme une situation grave pour les césarisées.
Encadre 4: expériences sur l’apparition des signes
Il ressort de cet encadre que, les femmes césarisées enquêtées témoignent que dans leurs expériences, l’infection du site opératoire se manifeste par la douleur, l’écoulement des sécrétions purulentes du site opératoire et ablation de fil de suture suite à la moindre toux.
Encadre 5: vécu sur les conséquences de l’infection post-césarienne
A ce qui concerne les conséquences de l’infection les césarisées expliquent que dans leur vécu quotidien, l’infection du site opératoire apporte comme conséquences des charges supplémentaires pour leur entourage, l’hémorragie financière et le séjour prolongé à l’Hôpital.
Encadre 6: vécu sur le contrôle de l’infection post-césarienne
En ce qui concerne l’expérience Vécue concernant le contrôle de l’infection par l’enquêtée, la propreté corporelle et de l’environnement, administration des médicaments et le pansement ainsi que le conseil du personnel soignant sont des moyens qui sont cites.
Encadre 7: Défis à relever concernant la prise en charge
Pour ce qui est du défi, elles citent le manque de moyens financiers et le non- respect de l’heure de soins par les soignants.
Encadre 8 : L’attente vis-Ã -vis du personnel soignant
Pour ce qui est de leurs attentes, les césarisées infectées ont besoin d’un contact régulier avec le personnel soignant dans leur relation soignant-soigne.
Encadre 9 : Expérience Vécue de la Personne qui prend en charge l’enquêtée
En ce qui concerne l’expérience vécue de la personne qui prend en charge l’enquêtée, les soignants se partagent les taches avec la famille de l’opérée.
IV. DISCUSSION DES RESULTATS
Treize femmes ont participé à cette enquête. L’âge des participantes varie de 17 à 42 ans. Sur 100% des participantes, 58,3% sont des mariées et 41,7% des célibataires. 75% ont un niveau d’études inferieur au diplôme d’état et 25% sont diplômées d’état. 16.6%sur 12 habitent hors la ville d’Isiro. Pour Marlama (2010), l’âge a une influence transversale sur la survenue des infections post-opératoires. Les adolescents et les jeunes ne disposent pas des mêmes habiletés cognitives, affectives et sociales comme l’adulte pour s’adapter à la situation. Ainsi, les jeunes disposant de peu d’expériences sur l’accouchement d’un cote et la prise en charge de l’infection de l’autre, n’arrivent pas à se prendre en charge pour prévenir l’infection.
BOUGOUDOGO.F (1998) déclare que, l’absence de l’instruction d’une accouchée est associée à des infections en post partum (ignorance des soins obstétricaux qui englobent tous les soins apportés aux femmes pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum, ainsi que les soins aux nouveau-nés. Or, ces soins visent à prévenir les problèmes de sante pendant la grossesse, détecter des états anormaux, apporter l’assistance médicales en cas de besoin et à mettre en place des mesures.
Pour Mahalik, et al., (2007), les accouchées moins instruites ignorent l’importance de la consultation prénatale, parfois meme si elles participent, elles n’arrivent pas à retenir les principes afin de les appliquer. Le niveau de scolarité plus bas pourrait expliquer cette disparité en regard des comportements préventifs.
A l’issue des analyses des données recueillies, nous avons remarqué que les informations sont complémentaires, et pour ce, nous avons retenu pour notre étude un seul thème central, à savoir : «vécu quotidien des femmes césarisées sur les infections post opératoire »
2.1. La compréhension de l’infection par les enquêtées
A la première question de la recherche, nous avons voulu explorer la compréhension de l’infection par les enquêtées. Les résultats obtenus de cette étude montrent que les enquêtées ont présenté le vécu de cinq manières, à savoir : Présence de la douleur et du pus au niveau de la plaie, mauvais sort, atteinte psychologique causée par la présence de l’infection et panique a l’approche de l’heure du pansement.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, (2017), la reconnaissance d’une infection post-opératoire est faite par des douleurs de plus en plus fortes, une ouverture secondaire de la plaie et une sécrétion purulente persistante. La douleur associée à la sécrétion purulente témoigne sans doute la présence de l’infection de la plaie.
Pour Di Benedetto, A. Bruno. (2014), les signes cliniques classiques d’une infection sont la rougeur, la douleur, l’Å“dème, la tuméfaction et les sécrétions ne sont pas toujours univoques. Ce n’est souvent qu’au cours de l’évolution qu’on arrive à reconnaitre une infection par des douleurs de plus en plus fortes, une déhiscence secondaire de la plaie ou une sécrétion persistante ou nouvelle.
Matthieu Cachemaille, Catherine Blanc (2016) signalent que, la douleur aigue post-opératoire est une pathologie fréquente dont l’incidence globale se situe entre 20 et 30 %. Les facteurs de risque sont lies d’une part, aux caractéristiques de chaque patient et à leurs comorbidités et d’autre part, aux différentes techniques chirurgicales.
Une enquêtée était presque tout le temps allongée, son bébé n’était pas souvent avec elle, rares sont les moments où elle le prenait dans ses bras, et lorsque c’était le cas, elle avait toujours besoin d’une aide extérieure, soit un membre de l’équipe médicale ou de sa famille.
Il faut préciser qu’elle ne l’a pas allaitée au sein à cause des douleurs de la plaie infectée qui l’empêchait de s’asseoir, prendre la bonne position, de ce fait c’était la nourrice sèche qui s’occupait de lui durant les dix premiers jours, mais le onzième jour, elle est arrivé à s’assoir, sa sÅ“ur le lui a alors mis dans ses bras et de la, elle commençait a lui donner le biberon elle-même. Son enfant était très proche d’elle. Elle n’a pas arrêté de le fixer du regard.
D’autres enquêtées ont fondé leurs opinions sur le mauvais sort suite à des imprévus qui se sont succédés sans le savoir. D’abord la césarienne qui est le premier imprévu ne devrait pas avoir lieu et ensuite l’infection farouche qui s’ajoute malgré l’effort du personnel soignant.
Une enquêtée a renchérie en disant : E6 « infection pour moi je peux dire que c’est un mauvais sort dont j’ignore meme la source, … Vu ma taille sans graisse et la propreté que j’ai, je ne pourrais pas développer l’infection, je sais que la situation est venue de quelque part… »
Nos enquêtées considèrent l’infection comme une situation de stress et de dégout. Comme nous l’avons vu précédemment, la césarienne, en particulier lorsqu’elle est décidée en urgence, est susceptible de provoquer un état de stress chez la femme, voire de confusion, d’angoisse, et de rejet. La maman se retrouve alors dans la salle d’hospitalisation, dans une situation qu’elle ne contrôle plus, à tel point que cela peut lui faire perdre tous ses moyens.
Valérie Saint-Dizier de Almeida (2016), souligne que des travaux ont été réalisés à ce sujet. Chez l’adulte, la prévalence de l’anxiété post-opératoire varierait entre 60 et 80% selon les études. L’anxiété serait plus importante en cas d’infection post-opératoire de la meme façon, les patients opérés d’un cancer sont plus anxieux que ceux opérés d’une chirurgie orthopédique.
TRAORES.B.,(2018) explique que l’infection du site opératoire entraine les troubles psychologiques : la dépression, risques de schizophrénie, les tentatives de suicide, les accidents physiques suite a des effets lies aux infections (suppuration abondante, éviscération, éventration, cicatrice inesthétique et la mort).
Pour d’autres femmes, c’est plutôt la frustration et la peur, voire la panique, qui l’emportent.
E13« Quand on m’a annoncé « césarienne »»j’ai pleuré, avant tout.[…]Y’a eu la peur du bloc opératoire en fait […]je paniquais. »
En effet, les enquêtées interprètent l’infection comme étant une bête noire qui entre dans leur vie et qui les met mal à l’aise.
…Ah, munganga, c’est une bête noire qui est entrée dans ma vie, je ne dors meme pas, envie de mourir meme. «E4»
Nous remarquons que l’infection peut être source de stress et d’angoisse, voire de rejet, en particulier lorsqu’il y a des complications ou qu’il ne se passe pas comme la mère l’avait envisagé. Dans l’imaginaire de beaucoup de femmes, l’accouchement ne peut se faire autrement que par voie basse, plus ou moins médicalisé avec moins de complication. Pourtant, une naissance peut être soumise à de nombreux imprévus.
2.2. La Perception de gravité de l’infection
La deuxième question de la recherche, nous avons voulu explorer la Perception de gravite de l’infection qui émerge deux catégories à savoir : insomnie et la peur de la mort
E4 «… Oui oui… vraiment c’est grave en voyant du pus coule sur soi qui donne une odeur nauséabonde, c’est grave …»
OMS (2011) précise que l’infection post césarienne constitue un problème de sante publique partout dans le monde, dans les pays industrialisés comme dans les communautés pauvres et estime que 2 milliards de la population mondiale présente l’infection post-opératoire dans les chirurgies abdominales dont 29,7% sont les infections post- césarienne.
E5 « … pour moi c ‘est grave comme les fils sont coupes suite à la toux et aujourd’hui le sang et du pus coulent abondamment et que je n’arrive meme pas à dormir suite à une forte douleur surtout la nuit, en tout cas c’est grave. »
Mestiri A, (2000), rappelle une forme particulière de gravite décrite par COUVELAIRE se manifeste essentiellement par des pertes de sang assez abondantes et répétées mélangé du pus donnant rapidement une altération de l’état général. Ce symptôme ne prend sa pleine signification qu’après un certain temps d’évolution. Vers la deuxième ou troisième semaine du post-partum à un moment ou normalement les saignements doivent être minimes, apparaissent en effet des hémorragies abondantes. Il est souvent difficile de différencier ce phénomène d’une rétention placentaire surtout si celle-ci est infectée et s’accompagne de signes généraux infectieux (insomnie, fièvre, anorexie…).
E5 «pour moi, c’est grave comme les fils sont coupés suite à la toux et aujourd’hui le sang et du pus coulent abondamment et que je n’arrive meme pas à dormir suite à une forte douleur surtout la nuit, en tout cas c’est grave. »
La troisième question de cette étude émerge trois catégories qui sont : la douleur, l’écoulement des secrétions purulentes du site opératoire et ablation de fil de suture suite à la toux.
Pour Larry M. Bush (2018), les manifestations peuvent être locales (p. ex., lâchage des fils de sutures, cellulite locale, abcès, douleur) ou systémique, (le plus souvent avec de la fièvre). Des manifestations peuvent se développer dans de multiples organes. Les infections sévères généralisées peuvent entrainer des manifestations qui mettent en jeu le pronostic vital (p. ex., sepsis et choc septique). La plupart des manifestations disparaissent par le traitement efficace de l’infection sous- jacente.
…. Ah… C’est dure, depuis le jour de intervention la douleur ne cédait pas jusqu’au 6em jour, et j’ai vu du pus a la bande que j’ai montré a maman … «E2»
Au quatrième jour la fièvre a commencé (sensation de froid), […] j’ai vu les secrétions au niveau du pansement et je suis allé montrer au personnel soignant qu’ils ont fait le pansement [.] un jour après l’apparition de pus et douleur atroce au niveau de la plaie, suite à la toux, il y a eu l’ablation spontanée de fil, « E5»
Pour Di Benedetto, A. Bruno. (2014), les signes cliniques classiques d’une infection sont la rougeur, la douleur, l’Å“dème, la tuméfaction et les secrétions ne sont pas toujours univoques. Ce n’est souvent qu’au cours de l’évolution qu’on arrive à reconnaitre une infection par des douleurs de plus en plus fortes, une déhiscence secondaire de la plaie ou une sécrétion persistante ou nouvelle.
4・ Le Vécu des enquêtées sur les conséquences de l’infection post-césarienne
Des charges supplémentaires pour l’entourage, l’hémorragie financière, le séjour prolongé à l’hôpital et traumatisme psychologique sont là , les conséquences vécues par nos enquêtées.
C’est en ces termes qu’elles manifestent cela :
.Oui papa. Comme monsieur qui m’a rendu enceinte n’est pas à la hauteur de ses responsabilités, la famille commence à murmurer parce qu’il y a une charge qui s’ajoute, acheter les médicaments pour le pansement, l’alimentation voire meme les besoins élémentaires d’une femme accouchée. «E2»
OMS, (2010), souligne en Afrique, les infections sont les plus couteuses, avec un cout total avoisinant les 3 milliards de Francs par an. Elle compromet l’acte chirurgical et est responsable d’un surcout important et met souvent en jeu le pronostic vital
.. Tout va bien avec mon entourage malgré mon état de santé, […] même les infirmiers sont toujours à mes côtés, […] mais la famille dépense beaucoup d’argent jusqu’à toucher leur économie pour ma prise en charge globale … «E1»
Les infections pendant la grossesse, l’accouchement et en post-partum ont longtemps été à la base de l’isolement prolonge des femmes dans les maternités comme déclare cette enquêtée :
…Eh aujourd’hui je suis au 16e jour post-opératoire, je ne sais même pas quand est-ce que je dois quitter ces quatre murs, [.] Les autres font dix jours mais moi je ne sais rien sur ma sortie. «E6».
Cinquième sous-thème en rapport avec le vécu sur le contrôle de l’infection post-césarienne dégage deux catégories et quatre sous-catégories
- Par l’enquêtée :
- Proprété corporelle et environnementale
- Achats des medicaments si possible
- Par le soignant :
- Conseil
- Pansement et administration des medicaments
Les enquêtées évoquent la propreté corporelle, alimentaire et environnementale comme étant les mesures efficaces pour juguler l’infection.
C’est en ces termes qu’elles abordent cela :
Eh papa… J’ai déjà dit ce n’est pas moi qui s’occupe de mon état plutôt le personnel soignant […] On me demande seulement d’être propre et de bien manger, c’est ce que je fais c’est tout…«E1»
D’après les discours de nos sujets, le manque de moyens financiers et le respect de l’heure de soins, sont les deux catégories des défis trouves dans leur prise en charge.
Une enquêtée a répondu à ce terme :
…le moyen qui me manque pour acheter les médicaments prescrits […]parfois j,ai tout mais le soignant n ‘arrive pas soit, arrive après l’insistance « 12»
Pour Bennett ; Edwards ; Hill, Bone, Kim, et al, (1999), cet aspect financier est une barrière contre la bonne prise en charge. Bien qu’une catégorie d’enquêtées dit n’avoir pas de défis, d’autres répondantes étaient préoccupées par cet aspect. Plusieurs émettaient l’hypothèse d’une non-adhésion au traitement si le médicament était absent, en raison de leurs couts élevés.
L’hôpital Général de Reference d’Isiro n’est pas subventionné par l’état congolais en médicaments et matériels essentiels pour la prise en charge des malades. Le gestionnaire fourni l’effort pour s’acquérir des médicaments auprès des particuliers afin de faire fonctionner la structure sanitaire, ce qui justifie la pénurie des médicaments et leur hausse de prix.
Une enquêtée explique :
E7 «… l’hôpital n’a pas de médicaments. Pour être soigné, il faut avoir l’argent afin de se procurer de l’essentiel pour les pansements et d’autres médicaments buvables et en injections. Parfois je fais toute la journée sans être touchée par le soignant parce que je n’ai pas acheté les médicaments prescrits. »
A la septième question qui traite l’attente que l’enquêtée a vis-à -vis du personnel soignant, une catégorie de réponse a été observée à savoir : Amélioration de la relation soignant-soigné.
7.1. Amélioration de la relation soignant-soigné
Ben SIDI (2014), dans son étude sur le vécu des malades hospitalisés au Benin, trouve que les malades étant dépendant de leurs soins, se laissent entre les mains des soignants d’un côté et à la rigueur de la structure sanitaire qui donne l’occasion aux soignants de bien prendre en charge les malades de l’autre cote, ce qui constitue la base de cette bonne relation.
… comme l’approuve cette répondante : Bon., Moi. Ah. ; Mon souci est qu’ils viennent tout temps près de moi pour me soigner […], Ce que je constate est qu’ils sont un peu distants de moi alors que j’ai besoin d’être soignée vite afin de quitter cet état d’infection «E3»
.Qu’ils soient gentils envers moi, tolérant comme mères des familles. Je suis ici comme leur enfant. «E7»
8. Expérience Vécue de la Personne qui prend en charge l’enquêtée
A la huitième question qui traite expérience Vécue de la Personne qui prend en charge l’enquêtée, trois catégories de réponses ont été observées a savoir : garde malade et famille, le soignant et la malade elle-même.
OIIQ, (2010a), le partenariat infirmière-client est base sur le postulat que chaque personne est responsable de sa santé. «L’infirmière l’invite à mobiliser ses ressources personnelles et celles de son environnement dans un cadre de respect mutuel ou l’on poursuit les mêmes buts ».
Pour les enquêtées qui ont parlé de l’expérience vécue de la Personne qui prend en charge l’enquêtée, voici quelques réactions de leur part tout en soulignant que les avis sont partagés :
E1 « .Pour votre question. Humm. Je peux dire sincèrement que ce sont les infirmiers qui s’occupent plus de moi que d’autres catégories de gens [.] Papa moi je ne suis pas infirmière, comment pourrais-je m’occupé de mon état seule …»
E9 «… les soignants me prennent en charge 24h/24 car je ne suis pas corps soignant. Malgré leurs caprices je me remets toujours entre leurs mains jours et nuits. Ils sont mis la pour nous, je suis dans l’obligation de les faire confiances.».
Nous remarquons que les malades démunis de moyens ont éprouvé des difficultés quant à leur prise en charge. L’hôpital étant dépourvu de médicaments, n’était pas à mesure de venir en aide à cette catégorie des malades.
Cette recherche a porté sur « vécu quotidien des femmes césarisées sur les infections post opératoire » A partir de l’analyse des données des entretiens, nous avons constaté que la césarienne, qu’elle soit programmée ou en urgence, reste un problème de santé publique a l’HGR d’Isiro, occasionnant des décès maternels suite à l’acte chirurgical ou aux infections post césarienne. Cependant, il parait important de ne pas trop banaliser cette intervention et de lui laisser sa place d’ « issue de secours », lorsque l’accouchement par les voies naturelles devient impossible. Et des lors, bien prendre en charge la suite post opération pour éviter les complications liées aux infections. L’analyse thématique des résultats, nous a fait comprendre le vécu quotidien des césarisées sur la prise en charge de leurs infections pendant la période post-opératoire.
Les enquêtées interrogées a ce sujet ont présenté leur vécu différemment. Les unes ont déclaré que l’infection est la présence des secrétions purulentes du site opératoire qui s’accompagnent de douleurs atroces, les autres disent que l’infection est une situation stressante et dégoutante qui engendre des conséquences néfastes telles que le prolongement supplémentaire du séjour hospitalier des césarisées, l’hémorragie financière et une charge supplémentaire pour l’entourage. Une autre catégorie a argumente sur la relation soignant-soigne et la prise en charge personnelle par les mesures d’hygiène corporelle et environnementale.
En somme, le résultat obtenu de cette recherche sur le vécu quotidien des accouchées sur leur prise en charge des infections du site opératoire, ne peut être généralisé mais il est possible de faire la transférabilité vers une autre structure ou se trouvent les femmes ayant subi la césarienne dont leurs plaies ont été infectées.
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☆ VECU QUOTIDIEN DES FEMMES CESARISEES SUR LES INFECTIONS POST OPERATOIRE
Received 17 March2023; Accepted 28 June2023
Available online 2 July 2023