CHÔMAGE ET ACCÈS AU PREMIER EMPLOI DES JEUNES DIPLÔMÉS D’UNIVERSITÉS : POINTS DE VUE D’ANCIENS UNIVERSITAIRES☆
Florent Kambasu Kasula *
Docteur en Économie et Professeur Associé à l’Université Catholique du Graben (Butembo, RDC) et Directeur du Centre de Recherches Interdisciplinaires du Graben (CRIG-UCG)
A B S T R A C T
Le système éducatif congolais a toujours encouragé les jeunes à obtenir des diplômes de niveau supérieur. Malheureusement ces derniers se retrouvent en chômage suite à l’inadéquation qualitative et quantitative entre l’offre du travail et les besoins du marché. Dans tous les cas, pour l’éducation, le critère de quantité d’institutions et d’étudiants semble l’avoir emporté sur celui de la qualité de l’enseignement. Retrouver un jeune diplômé universitaire en chômage ne constitue plus une exception mais plutôt la règle. Quels sont donc les différents facteurs explicatifs du chômage des jeunes universitaires en milieu de Butembo ? Quels sont les déterminants d’accès au premier emploi après les études ? Cet emploi répond-il aux attentes de ces universitaires ? Tout en remettant légèrement en cause le rôle du diplôme, la présente étude propose quelques pistes pour que les universités assurent l’employabilité de leurs étudiants.
Abstract (English)
The Congolese education system has always encouraged young people to obtain higher level diplomas. Unfortunately, the latter find themselves unemployed because of the qualitative and quantitative mismatch between the supply of labor and the needs of the market. In any case, for education, the criterion of the quantity of institutions and students seems to have prevailed over that of the quality of teaching. Finding a young university graduate unemployed is no longer an exception but rather the rule. So what are the different factors explaining the unemployment of young university students in the middle of Butembo? What are the determinants of access to job after studies? Does this job meet the expectations of these academics? While slightly questioning the role of the diploma, this study proposes some ways for universities to ensure the employability of their students.
Keywords : Unemployment, Employment, Graduates, University
Introduction
Les théories du capital humain développées Becker et Schultz postulent que les connaissances et les compétences acquises de l’éducation assurent l’accès facile au marché du travail. Pour elles, à des niveaux élevés d’instruction correspondent des salaires élevés et des risques très faibles de chômage. Cependant, nonobstant le mutisme des statistiques officielles, le chômage des jeunes et surtout des diplômés reste une réalité vivante dans la plupart des pays subsahariens et de manière particulière en République Démocratique du Congo (RDC). Dans ce pays, le chômage reste essentiellement un phénomène urbain touchant en majorité les jeunes de 15-24 ans, avec un taux estimé à 15,85% contre 9,37% pour les adultes (Kibala Kuma, 2020, p. 14). Réalité encore difficilement appréhensible, par manque des statistiques fiables, l’un des problèmes majeurs de l’analyse du chômage en RDC est la difficulté de poser un diagnostic pertinent sur le nombre de chômeurs et leur vulnérabilité étant donné la prédominance du secteur informel dans l’économie congolaise (Sumata, 2020, p. 7).
Chaque année, les institutions supérieures et universitaires forment et produisent des milliers des diplômés pour le marché du travail mais rares sont ceux qui accèdent à l’emploi dès la fin des études. Loin d’être inversement proportionnels, nombre des diplômés et taux de chômage évoluent dans le même sens. Pour l’éducation, le critère de quantité d’institutions et d’étudiants l’emporte sur celui de la qualité de l’enseignement. Un jeune diplômé universitaire en chômage ne constitue plus une exception mais plutôt la règle. Or, les universités devraient jouer un rôle d’orientation et d’insertion professionnelle des étudiants (Felouzis, 2008, p. 135). En d’autres termes, au-delà de la production et transmission des savoirs et des connaissances, l’université doit assurer l’employabilité de ses ressortissants. Malheureusement, le chômage étant le leitmotiv, après les études, certains universitaires ont désormais comme travail de chercher le travail. Ce qui infirme les théories du capital humain qui présentent le diplôme comme une panacée et une protection contre le chômage. Jouant un triple rôle, le diplôme permet, d’après certains auteurs (Nauze-Fichet & Tomasini, 2005, p. 22; Soudane et al., 2020, p. 125), la diminution du risque de chômage, la facilité d’accès aux emplois les plus qualifiés et une rémunération plus importante. En favorisant l’accès aux emplois les plus qualifiés et les mieux rémunérés, le diplôme constitue ainsi un atout majeur sur le marché du travail, un gage de connaissances acquises par la personne et un indice d’un potentiel productif utilisable par l’entreprise (Nauze-Fichet & Tomasini, 2002, p. 22).
Cependant, aussi général qu’il paraisse, le problème de chômage paraît plus crucial chez les jeunes diplômés. Ils éprouvent d’énormes difficultés à accéder à l’emploi et, partant, à obtenir un revenu susceptible de répondre à leurs besoins primordiaux. Aux dires d’Éric Maurain (2012, p. 11), « les principales victimes du chômage et de la précarité sont les jeunes arrivant sans qualification, ou très faiblement qualifiés, sur le marché du travail. Face à la récession, leur manque de formation les expose aujourd’hui à une véritable exclusion sociale ». À propos, d’autres auteurs reconnaissent que l’emploi des jeunes n’est pas un défi unidimensionnel (Filmer & Fox, 2014, p. XXI‑XXII). Il requiert une attention à la qualité de l’éducation de base et de la formation pour améliorer la productivité des jeunes, tout en éliminant les obstacles actuels entravant les progrès dans les entreprises individuelles et le secteur salarié moderne. Et cela en vue d’assurer un passage aisé de l’université à l’entreprise.
En scrutant les emplois occupés par certains diplômés d’université, certains figurent dans la catégorie de moins qualifiés. Non permanents et très précaires, ils sont pour la plupart temporaires et d’autres sont du secteur informel. En dehors du chômage, la plupart sont dans un déclassement comme une sous-utilisation de leurs compétences sur le marché du travail. Quant à l’accès proprement dit au premier emploi, la plupart commence la carrière après de longues années de chômage de sorte que la fin des études ne coïncide pas nécessairement avec le début de l’emploi. Ce qui remet finalement en cause la relation éducation-croissance ou mieux éducation-emploi. Que faut-il alors pour que l’école ou mieux le diplôme assure réellement l’employabilité de son détenteur ? Dans cette optique, est-il question de s’interroger sur les facteurs explicatifs du chômage des jeunes diplômés. Mieux, qu’est-ce qui explique les années de chômage avant l’accès à l’emploi ? Ou encore, que faut-il améliorer pour que l’université assure l’employabilité de ses diplômés ? Certes, beaucoup de théories expliquent souvent ce phénomène par l’inadéquation entre la formation universitaire et les exigences du marché du travail. Ce qui exigerait de revisiter le curriculum académique. Cet élément serait-il à lui seul explicatif ? Il se pourrait que s’invitent d’autres facteurs liées au capital social mais aussi aux compétences professionnelles et ambitions des jeunes diplômés.
Partant d’une approche qualitative, le raisonnement est hypothético-déductif. C’est une évidence, en effet, par une longue observation, que plusieurs diplômés sont confrontés au chômage dès la sortie du système scolaire[1]. Ce qui a obligé d’essayer d’en déterminer quelques facteurs explicatifs. Pour y parvenir, un questionnaire, en ligne par Google forms, a été adressé à des anciens finalistes de l’Université Catholique du Graben de Butembo. Sans tenir compte de leur état de chômage ou d’emploi, du lieu de résidence, ils sont de différentes générations. La recherche n’est donc pas spécifique ni ciblée. L’objectif est d’étudier les facteurs explicatifs du chômage des jeunes diplômés mais aussi ceux d’accès au premier emploi. Ayant fini les études entre 2001 et 2020, la majorité soit 65% se situe entre 2011 et 2018. 114 personnes ont répondu au questionnaire. Ils ont un âge compris entre 26 ans et 50 ans, la grande tranche étant concentrée entre 30 et 36 ans soit 45%. Majoritairement de sexe masculin soit 87%, ils ont un grade académique de licence, soit 95%, les gradués représentant 5%. Hors les statistiques fournies par Google forms, d’autres tableaux synthèses et traitements ont été obtenus avec des fonctions de Microsoft Excel.
Articulé sur quatre points, cet article présente d’abord un sommaire cadre théorique des théories du capital humain et l’accès à l’emploi pour scruter dans la suite, les facteurs explicatifs du chômage des diplômés, leur accès au premier emploi et les suggestions liés au rôle du diplôme universitaire et l’accès à l’emploi. La discussion des résultats et leur illustration se réalisent concomitamment.
1. Les théories du capital humain et l’accès à l’emploi
Les différentes théories développées par moult auteurs proposent des solutions pour endiguer le chômage sous ses multiples formes. Parmi elles figurent celles relatives à l’investissement en capital humain mettant l’accent essentiellement sur l’éducation. D’autres, dans le même sens, se rapportent au capital social voire le capital culturel. Non exhaustives, chaque chercheur évoque souvent celle qui lui tient de soubassement à ses recherches.
1.1. Vue générale sur les théories du capital humain
D’après les théories du capital humain, surtout d’inspiration de Becker et Schultz, l’éducation ou mieux l’instruction constitue un moyen indispensable d’accès à l’emploi. Plus un individu a un niveau élevé de diplôme, plus il est considéré comme plus productif. Ce qui augmente ses chances d’accéder à un emploi bien rémunéré et socialement bien valorisé. En accroissant les capacités productives des individus, la formation ou mieux l’éducation détermine le niveau de qualification et de la rémunération par rapport à l’emploi occupé. Sur le marché du travail, maximiser les profits, les entreprises ont donc intérêt à recruter des personnes qualifiées. Ces idées et d’autres corollaires sont vulgarisées à travers les théories dites d’investissement en capital humain défini comme « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. » (Gleizes, 2000, p. 111). Fondé sur le principe de « qui s’instruit s’enrichit », le capital humain « recouvre les connaissances, les qualifications, les compétences et les autres qualités d’un individu qui favorisent le bien-être personnel, social et économique » (Keeley, 2007, p. 30; OCDE, 2001, p. 18).
Son appréhension établit parfois certaines relations entre capital humain et capital intellectuel ou encore entre capital humain et capital immatériel. Approche dite comptable du capital humain, cette question s’enracine au débat sur le stock réel des intangibles dans une entreprise dont l’éducation et la formation, la santé, la sécurité, la mobilité, la recherche et développement. Son émergence est liée aux recherches d’Edvinson et Malone, Kaplan et Norton, Sveiby qui publient, dans les années 1990, les premiers travaux sur le capital intellectuel. En reconnaissant le capital humain comme une des formes du capital intellectuel aux côtés du capital structurel et du capital relationnel, ils lui associent les différentes compétences, les qualifications des individus. En ce sens, le capital humain se décompose en trois critères génériques de performance se ramifiant à leur tour en indicateurs stratégiques. Ce sont les compétences des employés, leurs attitudes et leur agilité intellectuelle. Les indicateurs stratégiques de la compétence des employés sont les savoirs et les savoir-faire. De façon plus précise, la notion de compétence peut également être analysée en termes de compétence commerciale (capacité à collaborer avec les clients et les partenaires externes), de compétence professionnelle (habileté à exploiter le capital structurel) et de compétence sociale (habileté à travailler ensemble). De leur part, ceux de l’attitude des employés sont la motivation, le comportement et la conduite ; tandis que ceux de leur agilité intellectuelle se rapportent à l’innovation, l’imitation, l’adaptation et la mise en forme (Bessieux-Ollier & Lacroix, 2006, p. 40‑41; Roos et al., 2000; Wegmann, 2009, p. 6).
La notion du capital immatériel, aussi récente, est également fondée sur l’approche comptable du capital humain en vue de conceptualiser la valeur cachée de l’entreprise qui n’apparaît pas au bilan. « Qu’on l’appelle capital immatériel, patrimoine immatériel ou économie de l’immatériel, la notion est d’actualité » (Bourret et al., 2008, p. 4). Pour Bernard Marois (Marois, 2005; Méreaux et al., 2012, p. 44), par définition, pour une entreprise, il englobe tout ce qui n’est pas matériel dans les actifs d’une société : son savoir-faire, son organisation, ses relations avec les partenaires (clients, fournisseurs, banquiers), sa capacité d’innovation et la qualité de ses employés. Il est donc question de valoriser la connaissance individuelle au niveau organisationnel.
Dans leurs prolongements, pour expliquer les mêmes réalités d’accès à l’emploi, d’autres théories leur sont complémentaires, concurrentes ou rivales. Expliquant presque toutes le lien entre la formation et l’emploi, elles proposent des explications complémentaires pertinentes à la bonne compréhension de l’adéquation formation-emploi, puisqu’aucune ne propose un cadre théorique complet pour saisir l’une ou l’autre des situations d’inadéquation. Parmi celles-ci figurent, d’après certains auteurs (Canals et al., 2016, p. 7), de manière non exhaustive, les théories basées sur l’hypothèse du filtre comme le modèle de la discrimination statistique de Phelps, celui du signalement de Spence, celui de la queue pour l’emploi ou de la file d’attente, ainsi que la théorie du filtre et du parchemin. D’autres dites non orthodoxes se distinguent des précédentes par le fait qu’elles basent leur analyse sur les groupes et non sur les individus. Basées sur le rôle du salaire et du marché du travail, elles rassemblent la théorie des salaires efficients, celle de l’hétérogénéité du marché du travail, celle du « job competition » de Thurow, ainsi que les théories radicales inspirées des théories marxistes, etc.
Pour Claude Trottier (2005, p. 80), la nomenclature distingue la théorie du signalement de celle de la concurrence pour l’emploi et de celle de la segmentation du marché du travail. Si selon le premier spectre, le niveau et le type de scolarité s’avèrent un moyen de filtrer les travailleurs, le deuxième, qui en serait une variante, met en relief notamment que l’éducation est moins un filtre qu’un moyen de classer l’aptitude des travailleurs à être formés une fois embauchés en vue d’une meilleure adaptabilité. Le troisième remet en question le postulat de l’homogénéité du marché du travail, sous-jacent à la théorie du capital humain. Il en pose au contraire l’existence de divers types de ce marché (primaire et secondaire), lesquels affectent la rentabilité des investissements des individus dans leur capital humain.
1.2. Le capital social, le capital culturel et l’accès à l’emploi
La question de l’accès à l’emploi, à côté des théories du capital humain, implique aussi d’autres relatives au capital social, au capital culturel comme des voies d’accès à un emploi bien rémunérateur. Développées surtout par Pierre Bourdieu, l’usage du concept capital social comporte comme message-fort que les relations sociales ont une grande incidence sur la vie sociale, économique et politique. « L’idée centrale de la théorie du capital social est que les réseaux sociaux ont de la valeur. (…) Le capital social se rapporte aux relations entre individus, aux réseaux sociaux et aux normes de réciprocité et de confiance qui en émergent » (Méda, 2002, p. 37). En effet, selon les analyses bourdieusiennes, pour accroître ou conserver leur position à l’intérieur de la hiérarchie sociale et bénéficier de privilèges matériels et symboliques qui y sont attachés, les individus et les groupes sociaux mobilisent trois types de ressources : le capital économique, le capital culturel et le capital social (Méda, 2002, p. 36). Le dernier social regroupe les différentes relations entre les individus et les réseaux sociaux basées sur des normes de réciprocité et de confiance.
Le capital culturel, par contre, désigne les ressources propres aux familles, qui permettent aux individus d’atteindre une position sociale particulière (OCDE, 2001, p. 24‑25). Concept majeur en sociologie de l’éducation, ce dernier essaie d’expliquer le rôle de l’école dans la reproduction des inégalités sociales en partant de différentes classes sociales. Cette explication se rapporte à la réussite scolaire des enfants et leur insertion socioprofessionnelle. Ainsi reconnait-il que « les enfants des classes supérieures hériteraient de leurs familles diverses ressources culturelles (langage, culture générale, outils intellectuels, dispositions corporelles et esthétiques, manière de se tenir et de parler, goûts raffinés…) qui s’accumuleraient et se transformeraient, dans le cadre de l’école, en avantages réels » (Draelants & Ballatore, 2014, p. 115). En d’autres termes, comme le reconnait Aurélien Perruchet (2005, p. 77), l’idée principale est que les enfants d’origine sociale favorisée reçoivent dans leur famille des connaissances et des comportements qui sont valorisées à l’école. Ils bénéficient de ce fait d’un héritage culturel, qui favorise grandement leur réussite à l’école. C’est ainsi que les travaux de Bourdieu et Passeron définissent le capital culturel comme « l’ensemble des connaissances et comportements transmis par les familles d’origine sociale favorisée à leurs enfants qu’ils pourront valoriser dans le cadre scolaire » (Vandenberghe & Debande, 2008, p. 31).
De ce qui précède et de manière générale, pour échapper à la subordination dans le marché du travail, plusieurs entrepreneurs recourent au capital économique. Par moment, celui-ci est renforcé par le capital scolaire ou mieux le capital humain sous toutes ses formes. Au-delà de ces deux types, un autre type de ressources joue un rôle important, le capital social. Qui plus est, à ces trois formes, les chercheurs, dont principalement Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, reconnaissent volontiers un quatrième, le capital culturel, en essayant de mettre en évidence le rôle de l’école dans la reproduction des inégalités sociales. Cependant, au-delà de toutes ces réalités, il s’avère que la question du chômage et surtout des jeunes diplômés au-delà de leurs acquis académiques et relations reste encore un énigme non encore résolu. Ainsi, en revient-il d’en élucider quelques facteurs, en partant des avis des jeunes diplômés de l’Université Catholique du Graben, à Butembo.
2. Les facteurs explicatifs du chômage chez les jeunes diplômés
Plusieurs facteurs expliquent le chômage ou la faible insertion professionnelle des jeunes diplômés (Atilambisa et al., 2019; Mbaz Rumang, 2022; Mwana, 2022). Ils sont classés en facteurs institutionnels, économique et démographique, individuels, éducatifs, sociaux, culturels, religieux, etc. De manière explicite, certains auteurs citent l’absence d’une politique nationale de création des emplois, la non mise en retraite des agents et fonctionnaires éligibles à la retraite, le tribalisme et appartenance politique, le manque d’esprit d’initiatives et d’entrepreneuriat, etc. De manière non exhaustive, la présente étude a retenu quelques-unes d’après les avis des personnes interrogées en réponse à la question de savoir quels facteurs expliquent le chômage des jeunes diplômés. La pondération de différentes variables donne les résultats ci-dessous :
Tableau 1. Les facteurs explicatifs du chômage
Facteurs explicatifs du chômage | VRAI | FAUX |
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45% | 55% |
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37% | 63% |
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92% | 8% |
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79% | 21% |
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71% | 29% |
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37% | 63% |
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61% | 39% |
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55% | 45% |
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61% | 39% |
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58% | 42% |
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60% | 40% |
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45% | 55% |
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80% | 20% |
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97% | 3% |
Source : Construction à partir des enquêtes
Plusieurs facteurs expliquent le chômage des jeunes diplômés avec différentes pondérations selon qu’ils sont reconnus ou non comme facteur-clé. Ils peuvent être regroupés en quelques traits explicatifs du chômage dont : a) une forte croissance de la population estudiantine mais moins compétitive ; b) une absence d’initiation à l’entrepreneuriat chez les jeunes diplômés ; c) un marché du travail plus favorable aux travailleurs moins qualifiés ou sans éducation ; et d) une absence de politique générale nationale de création de l’emploi.
2.1. Une forte croissance de la population estudiantine mais moins compétitive
Le système éducatif congolais encourage toujours les jeunes à obtenir un diplôme de niveau très élevé. Même avant son arrimage au système LMD, sa structure va du certificat d’études primaires au diplôme de doctorat avec une moindre attention aux
formations intermédiaires professionnelles. Caractérisé par une prolifération des institutions d’enseignement tant primaire que secondaire et universitaire, chaque année, elles octroient des diplômes à leurs finalistes. Cependant, cette prolifération s’accompagne d’une grande crise de l’emploi et un accroissement du taux de chômage. D’un côté les diplômés sont beaucoup plus nombreux que les emplois disponibles (92%), de l’autre, les entrepreneurs sont beaucoup plus réticents à engager les jeunes diplômés. Car, si les emplois disponibles ne sont pas quelques fois adaptés au niveau d’études (45%), le niveau de formation de certains ne répond pas exactement aux besoins du marché de l’emploi (37%). Quitte à Ricardo Kaniama (2020, p. 145) d’en cristalliser l’intrigue : « Le seul fait d’avoir un bon diplôme ne suffit pas pour avoir un travail décent ». Ce qui n’interroge pas moins le rôle de l’école, voire la validité des diplômes octroyés face au marché du travail et, in fine, l’adéquation entre la formation scolaire et les exigences professionnelles des emplois. Ainsi, face aux limites de la formation scolaire, il est important de mettre en place un nouveau modèle formatif susceptible de concilier la logique des entrepreneurs et celle de l’école, l’apprentissage professionnel et la formation scolaire.
Les diplômés des universités paraissent moins compétitifs sur le maché de l’emploi. Conséquence logique des systèmes d’enseignement et de formation en vigueur, ces derniers sont hérités de la colonisation et s’adaptent difficilement à l’évolution de l’environnement du travail. Privilégiant les qualifications diplômantes et non techniques, « ils sont restés dans la logique de former des commis pour l’administration publique et non de véritables agents ayant une qualification technique avérée. À l’issue de la formation, les diplômés sont livrés à eux-mêmes et ne bénéficient pas d’un accompagnement adéquat leur permettant d’accéder à des emplois offerts par les entreprises et qui correspondent à leurs réelles compétences. » (Mumpasi Lututala, 2012, p. 3). C’est ainsi qu’après leurs cursus scolaires et/ou académiques, certains diplômés s’inscrivent dans les centres de formation professionnelle en vue d’acquérir les compétences et capacités nécessaires à leur insertion professionnelle.
Dans la même logique, certains sont en chômage par manque d’expérience professionnelle exigée par le marché de l’emploi (71%) lorsqu’il leur est exigé un curriculum vitae dit enrichi d’expériences d’un minimum de cinq ans. L’accès à l’emploi est plus favorisé par l’ancienneté sur le marché du travail plutôt que par le niveau de diplôme. À propos, les nouveaux diplômés sont exposés au chômage que les plus anciens qui ont déjà eu un premier emploi par la valorisation des expériences professionnelles.
La non-compétitivité des universitaires qui ronge donc l’efficacité du système éducatif congolais peut s’expliquer par certains facteurs qui ont eu, au cours du temps, un impact négatif sur son rendement. Parmi eux, certains concernent la qualité de l’enseignement à travers son programme et la manière dont celui-ci est mis en œuvre ; tandis que d’autres se focalisent sur les infrastructures de la formation, le profil des enseignants et apprenants, etc. De manière globale, parmi les plus saillants figurent le financement du système éducatif, son organisation institutionnelle, les conditions de l’enseignement, les programmes et les contenus de la formation… De même, dans certains milieux, les institutions universitaires sont devenues plus nombreuses qu’elles courent à la recherche des effectifs au détriment de la qualité de l’enseignement. Les évaluations y sont alors de complaisance. En conséquence, comme le constate Richard Mugaruka Mugarukira-Ngabo (2002, p. 5), « pédagogiquement introvertie, l’université africaine produit de nombreux lauréats condamnés, pour une bonne part, au sous-emploi, au chômage ou à l’improductivité. À l’instar de l’ensemble du système scolaire, elle semble tourner sur elle-même, coupée de sa finalité sociale et du service communautaire qu’on est en droit d’en entendre ». C’est ce qui explique d’ailleurs le fait que certains cadres universitaires, dotées de connaissances trop théoriques, manquent aussi plusieurs compétences entrepreneuriales pour lancer une start-up après leurs études.
2.2. Un manque d’initiation à l’entrepreneuriat chez les diplômés d’universités
Certains diplômés expliquent le chômage par le manque de moyens pour lancer une start up (97%). Pour d’autres, le manque d’esprit d’initiative et d’entrepreneuriat est criant (80%). D’où le faible pourcentage (45%) pour l’assertion selon laquelle certains diplômés ne veulent pas travailler pour quelqu’un d’autre puisqu’ils veulent être aussi entrepreneurs. Loin d’être des créateurs d’emplois, ils se transforment en quémandeurs d’emplois et parfois auprès de non-diplômés et non-qualifiés. Ainsi, la plupart des universitaires sont formés plutôt pour le chômage que pour l’emploi. D’où l’expression stigmatisante en Kinande, « e français sirighula vwavu » (le français -sous-entendre l’intellectuel- n’achète pas la boisson – le diplôme n’est pas nécessairement signe d’argent ou de richesse). Ceci s’explique par le fait que la plupart des enseignements universitaires, essentiellement théoriques et dogmatiques, ne prévoient pas dans les différents curricula le volet entrepreneuriat et l’insertion socioprofessionnelle. De ce fait, créer une entreprise n’est pas à la portée des diplômés d’université. Car, les enseignements qui y font référence apprennent plutôt à gérer théoriquement une entreprise qu’à la créer. Ainsi, certains étudiants quittent l’université en disposant presque seulement des connaissances qu’ils sont incapables d’utiliser pour résoudre des problèmes quotidiens. En paraphrasant Etienne Bourgeois et Gaëtane Chapelle (2011, p. 153‑154), il est plus question de meubler l’esprit des étudiants de connaissances inertes ou de savoirs morts. Dans la plupart de cas, la formation est trop théorique et trop basée sur une sorte d’élitisme ne formant plus pour l’emploi directement ou mieux pour transformer ceux qui sont formés.
Face à la précarité des emplois, l’une des meilleures voies qui permettront de soustraire les universitaires de la nasse de la pauvreté reste l’entrepreneuriat. Comme l’affirment Amine Guenoun et ses collègues (Guenoun et al., 2017, p. 67), l’entrepreneuriat est de plus en plus considéré comme l’un des leviers stratégiques à la création des emplois et des richesses au niveau d’une nation. Il est devenu, aujourd’hui, un enjeu majeur pour plusieurs pays à cause de son rôle primordial dans le développement économique et la réduction de la pauvreté. Aux dires de Moustapha Bachiri (2016, p. 110), revenant sur le rôle capital de l’entrepreneuriat, celui-ci est devenu un phénomène économique et social important, un sujet de recherche ainsi qu’un domaine d’éducation et d’enseignement. Aujourd’hui, non seulement l’entrepreneuriat est considéré comme un levier important pour faire face à un nouveau contexte concurrentiel ; mais également il est considéré comme un vecteur d’innovation et d’efficacité économique et comme un puissant créateur d’emplois.
Les activités entrepreneuriales peuvent être tant du secteur formel qu’informel. Dans un premier moment, un caractère informel arrange plusieurs individus. L’emploi informel occupe une part importante et croissante du marché du travail mondial. Offrant plusieurs opportunités économiques, ce secteur contribue à la richesse nationale et à la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus. Il est donc important que les jeunes diplômés en découvre les avantages en l’exploitant davantage. Cependant, certains diplômés préfèrent rester en chômage que d’occuper un emploi informel ou mal rémunéré (61%). Or, le manque d’esprit d’entreprise oblige certains à occuper n’importe quel emploi qui se présente pourvu d’échapper au chômage car comme le reconnait François Dubet (Dubet, 2006), « la précarité du travail est préférable au chômage, même si elle n’est pas forcément économiquement rentable ». Ce qui conduit malheureusement certains employeurs à dévaloriser le diplôme jusqu’à préférer les moins diplômés qui sont moins exigeant en termes de rémunération.
2.3. Un marché de travail plus favorable aux moins diplômés et basé sur le capital social
La faible probabilité d’insertion professionnelle des jeunes diplômés due à leur non-compétitivité ou au manque d’esprit d’entreprise les condamnent au déclassement professionnel et au sous-emploi. Le chômage, pour certains, résulte du fait que les emplois sont acquis grâce au capital social dont les relations familiales, les réseaux et influences communautaires (79%). Dans un contexte socio-économique où le pléthore d’individus qualifiés et l’insuffisance d’emplois cohabitent, chaque opportunité de travail est donc une source d’enjeux et de compétition. De ce fait, l’insertion professionnelle des diplômés pour un emploi salarié passe le plus souvent par un bon « réseau de connaissances et d’appuis sûrs » (Kahola Tabu, 2015, p. 241, 242). Ce jeu de réseau fait appel malheureusement à certaines pratiques négatives dans le recrutement tel le tribalisme – « collinisme », le trafic d’influence voire la corruption. L’expérience professionnelle ou les acquis de connaissance ne déterminent plus l’accès à l’emploi. D’autres facteurs interviennent comme les recommandations ou l’appartenance familiale ou communautaire.
Par contre, certains employeurs cherchent des employés peu qualifiés (61%) et exposent les diplômés à un déclassement par la dévalorisation du diplôme. Parfois, les postes de recrutement proposés par les employeurs sont de la catégorie de manœuvre et n’exigent pas de niveau spécifique de diplôme (37%). Ne jouant plus un rôle de signal dans l’accession à un emploi plus rémunéré, le diplôme entraîne plutôt un effet pervers. Alexandre Léné (2005, p. 99) l’appelle « déclassement » désignant, pour un salarié, le fait de posséder un niveau de formation a priori supérieur à celui requis pour l’emploi sollicité. En conséquence, reconnaît d’ailleurs Valère Belias (2021, p. 20), « avoir un diplôme, ne garantit plus de trouver un emploi bien rémunéré. (…) En Afrique, plus de 80% des diplômés finissent par travailler dans un secteur d’activité en totale inadéquation avec leur formation académique : C’est ce qu’on appelle ‘les formés pour chômer’ ». C’est la catégorie des chômeurs qualifiés dont le travail consiste à chercher du travail.
Lorsque le diplôme est écarté du circuit de recrutement, l’une des conséquences fâcheuses reste le monnayage de l’accès à l’emploi par certains employeurs (55%). Certains recruteurs ou responsables des ressources humaines monnayent l’information de l’offre d’emploi. D’autres, dans une pratique qualifiée de « opération retour », exigent des candidats un paiement d’un certain pourcentage du salaire pendant une période donnée. Parfois, ils leur exigent la valeur d’un mois de rémunération. Ce handicap se métamorphose en un autre qualifié d’emploi sexuellement acquis, pratique par laquelle, en contrepartie d’un poste, certains employeurs exigent des relations sexuelle aux demandeurs d’emplois, surtout les jeunes filles. Ce qui décourage certains diplômés à continuer le processus de recrutement et de rester alors en chômage. La solution durable reste une politique nationale de création des emplois et d’embauche des jeunes diplômés.
2.4. Une absence de politique générale nationale de création des emplois
L’absence de politique générale de création d’emplois au niveau national figure aussi parmi les facteurs explicatifs du chômage. Les tares observées dans l’accès à l’emploi en sont une conséquence. Pendant que plusieurs diplômés préfèrent un emploi dans le secteur public (58%), celui-ci ne prévoit pas une politique de création de nouveaux emplois, d’insertion professionnelle de nouveaux diplômés et de mise en retraite des fonctionnaires âgés (60%). Ce qui maintient les jeunes dans le chômage. Une bonne politique de relève permet de connaitre le nombre de diplômés chaque année académique, les candidats à la retraite et le nombre de postes disponibles pour l’emploi. Politique d’atténuation du degré de chômage, elle doit être multidimensionnelle d’après Claude Sumata (2020, p. 10‑11) en visant certains éléments comme l’assainissement du climat des affaires, la coopération multilatérale, la qualité du système éducatif, la promotion des PME et la microfinance, la formation et appui aux jeunes entrepreneurs pour assurer la viabilité des startups et PME naissantes.
Dans un environnement où l’accès à la plupart des emplois est conditionné à l’appartenance politique, au clientélisme, aux accords politiques, il est difficile d’établir des critères objectifs qui permettent de réguler le marché du travail en garantissant une rencontre équilibrée entre la demande de travail des entreprises et l’offre de travail des travailleurs. Ce qui ne permet pas d’assurer un emploi de qualité à tout individu qui désire de l’obtenir selon ses compétences. Ainsi, dans le pays, il est très difficile de trouver des jeunes diplômés qui occupent des postes bien rémunérés dans les banques, les régies financières, les entreprises publiques ou qui sont des entrepreneurs… On ne retrouve plus facilement que les jeunes diplômés désœuvrés.
3. Des diplômés aux emplois de pacotille
Face aux différents facteurs qui expliquent le chômage des jeunes diplômés d’université, il est important d’analyser la qualité d’emploi qu’ils occupent lorsqu’ils échappent au chômage. En effet, l’accès à l’emploi salarié n’est toujours pas garanti pour les diplômés. S’ils ne sont pas au chômage, ils occupent alors des emplois instables, éphémères, de très courte durée et mal rémunérés et généralement dans le secteur informel. Emplois qualifié de pacotille, les employeurs ne sont pas toujours institutionnels et s’identifient plus dans le secteur informel ou alors privé. Ainsi, pour accéder au premier emploi, le chômage parait d’abord comme une voie inévitable. Également, la plupart de premiers emplois sont mal rémunérés.
3.1. Le chômage après les études comme un passage obligé
De différents diplômés interrogés, depuis la fin des études, 92% ont déjà occupé une occupation contre 8 qui sont toujours en chômage. Hormis ces derniers, presque tous ont déjà connu au moins une année de chômage (37%) avant d’accéder à l’emploi sauf 6% soit 7 diplômés qui n’en ont pas connue. La durée de chômage varie donc entre 1 et 7 ans, avec 31% pour deux ans, 5% pour 6 ans de chômage, 3% pour 7 ans et 4% pour ceux de 3 à 5 ans de chômage avant d’accéder au premier emploi. En d’autres termes, chemin obligé avant l’accès à l’emploi, le chômage des diplômés constitue un véritable problème social qui mérite des solutions appropriées.
Également, tous les deux groupes confondues, de manière globalement, 63% sont à la recherche d’un emploi et 37% n’en cherchent pas. La plupart ont eu un emploi formel et les principaux premiers employeurs sont les entreprises privées et les ONG tel que le montre le graphique ci-après :
Figure 1 : Premier employeur des diplômés d’université
Les secteurs publics ou parapublic, l’auto-emploi et l’entreprise familiale emploient moins les diplômés d’université. Ce qui confirme le manque d’esprit d’entreprise et l’absence de politique publique de l’emploi. Tout en tenant compte de ceux qui n’ont jamais eu d’emplois (8%), la plupart des contrats sont à durée déterminée (43%). Le travail à la tâche et à temps partiel sont représentés par 17% et 18%, le contrat à durée indéterminée étant de l’ordre de 14% et se retrouve plus dans le secteur public. Certains des éléments ci-haut sont dépeints par Liliane Bonnal & Pascal Favard. Ils écrivent : « Lorsque l’on s’intéresse aux individus sortant du système éducatif et à leur insertion sur le marché du travail, plusieurs constats peuvent être faits. La durée moyenne d’accès au premier emploi s’allonge, même pour les plus diplômés. (…) Les contrats signés sont de plus en plus fréquemment des contrats à durée déterminée (…) et enfin, les emplois occupés sont de plus en plus souvent des emplois dont la qualification requise est inférieure à leur niveau de qualification, on parle alors de « déclassement » (…) » (Bonnal & Favard, 2007, p. 11). Ce qui explique finalement le sentiment qu’ils ont envers leur travail, non pas comme une passion mais comme un refuge ou un cache-chômage.
3.2. L’accès à l’emploi : un choix ou un pis-aller ?
Les résultats de l’enquête démontrent que 40% aimaient leur premier travail, 34% l’ont exercé pour répondre aux besoins essentiels et vitaux et 18% n’avaient aucun choix. Ces sentiments se traduisent justement à travers la satisfaction du niveau de rémunération par rapport à celui du diplôme. Si 11% sont entièrement satisfaits, 42% sont moyennement satisfaits, 11% n’ont pas de choix et 29% ne sont pas du tout satisfait. En d’autres termes, c’est pour échapper au chômage qu’ils exercent leurs emplois malgré eux. Le niveau de rémunération présenté dans le tableau 2 ci-dessous l’explique davantage.
Tableau 2. Niveau de rémunération du premier emploi
Niveau de rémunération pour le premier emploi | Effectif | Pourcentage |
Moins de 100$ | 15 | 13% |
Entre 100$ et 200$ | 24 | 21% |
Entre 200$ et 400$ | 42 | 37% |
Entre 400$ et 600$ | 6 | 5% |
Entre 600$ et 800$ | 3 | 3% |
Entre 800$ et 1000$ | 9 | 8% |
Plus de 1000$ | 6 | 5% |
NA | 9 | 8% |
Total général | 114 | 100% |
Source : Construction à partir des résultats de l’enquête
La lecture de ce tableau révèle que la rémunération au recrutement est pour la plupart inférieur à 400$ voire moins de 100$. Quelques rares diplômés ont été recrutés au premier emploi pour une rémunération de plus de 800$ voir plus de 1000$. Les bas salaires peuvent s’expliquer par le fait qu’ils sont en début de carrière. Ils pourront évoluer avec l’expérience et l’ancienneté dans le travail. De ce qui précède, il y a lieu d’affirmer que les jeunes, dès leur sortie du système éducatif, n’ont pas les mêmes atouts face au monde du travail. Et comme le reconnaît Emmanuelle Nauza-Fichet, leurs atouts se différencient en termes de diplôme, d’expériences
d’emplois parallèlement aux études, de réseau relationnel, de soutien familial… N’ayant pas les mêmes priorités (ambitions de carrière, arbitrages entre vies privée et professionnelle, urgences financières…), ils ne suivent pas ou n’accèdent pas aux mêmes parcours, aux mêmes successions de situations d’emploi, de chômage ou d’inactivité. Ils n’accèdent pas, non plus, à des emplois équivalents en termes de rémunération (Nauze-Fichet & Tomasini, 2005, p. 2).
Les faibles rémunérations chez les jeunes diplômés s’expliquent aussi par le chômage auquel ils sont confrontés dès leur sortie de l’université qu’ils ont prêts à travailler pour n’importe quel salaire pourvu qu’ils aient un emploi, car ils n’ont pas, d’ailleurs, d’autre choix. Il s’agit d’une conséquence logique de la dépréciation du capital humain scolaire dans la mesure où il n’est pas utilisé. N’étant pas un ensemble homogène et statique de qualifications ou des compétences acquises une fois pour toutes
(OCDE, 2001, p. 19), le capital humain peut, avec le temps et surtout en période de chômage, perdre en importance. Ce qui explique la baisse du capital humain mesuré par le revenu issu du travail ou mieux un bas salaire. Au pire, il « peut être déprécié en cas de chômage partiel ou total, voire devenir obsolète en cas de disparition de la firme » (Cadet, 2014, p. 17). Certes, il se développe par son utilisation et, dans l’emploi, avec l’expérience acquise par des formations formelles et informelles.
Les facteurs explicatifs du chômage réunis et bien d’autres liés aux premiers emplois des universitaires illustrent bien le marché d’emploi congolais. D’après certains auteurs, la part du travail informel progresse constamment ; les salaires sont dérisoires tant dans le secteur formel qu’informel ; la majorité de la population active a un emploi précaire ou est dans l’informel. Mais aussi, il s’observe le manque d’un tissu d’entrepreneurs locaux capables de mobiliser les ressources (Kibala Kuma, 2020, p. 8; Sumata, 2020, p. 2). Caractéristiques globales, elles n’épargnent donc pas aussi les jeunes universitaires qu’ils s’interrogent eux-mêmes sur le rôle de leurs diplômes.
4. Quel rôle des diplômes universitaires ?
Le cursus de la formation universitaire est scandé par différents niveaux sanctionnés chacun par un diplôme : le grade, la licence, le diplôme d’études approfondies (DEA) et le doctorat. L’avènement du LMD retient trois principaux dont la licence, la maîtrise et le doctorat. Chaque niveau permet de doter le candidat d’un certain nombre des compétences qui lui permettent de se qualifier sur le marché de l’emploi. Cependant, après le parcours de différents niveaux, les diplômés d’universités restent toujours confrontés au chômage. Faudrait-il alors l’imputer au cursus académique ou mieux au dysfonctionnement du système éducatif où les diplômés se présentent avec beaucoup des tares sur le marché du travail ? D’un côté est évoqué le niveau de formation des diplômés, de l’autre le nombre exponentiel de diplômés sur le marché du travail face à la précarité d’emplois disponibles. L’augmentation des diplômés ne corrèle pas avec l’accroissement de nouveaux emplois créés pour résorber cette nouvelle cohorte des chômeurs. Pour y faire face, il importe de penser une nouvelle conception du système éducatif qui dote ses ressortissants des capacités et compétences professionnelles en vue de mettre en place des start-up universitaires. C’est la promotion de l’entrepreneuriat académique à travers la valorisation économique de la recherche universitaire.
4.1. Une place importante du choix de l’institution ou faculté pour accéder à l’emploi
Les diplômés interrogés dans cette étude reconnaissent le rôle primordial du diplôme pour accéder à l’emploi. Pour près de 47%, la formation académique a favorisé leur accès au premier emploi. Pour eux, le diplôme, dans son rôle de catalyseur d’accès à l’emploi, constitue, pour l’essentiel, le seul signal pour les entreprises du potentiel des individus (Nauze-Fichet & Tomasini, 2002a, p. 22). Les expériences professionnelles, les formations complémentaires et les promotions éventuelles sont généralement valorisées durant le parcours professionnel et interviennent souvent pour l’accès aux autres emplois. Toutefois, d’autres éléments y interviennent telles les relations sociales et familiales ou mieux le capital social (21%), les compétences professionnelles en soumissionnant à une offre (13%) et les relations personnelles en contactant directement l’employeur (11%). Ce qui est exprimé dans le tableau 3 ci-après.
Tableau 3. Les déterminants de l’accès au premier emploi
Étiquettes de lignes | Effectif | Pourcentage |
À partir de mes compétences professionnelles en soumissionnant à une offre | 15 | 13% |
En contactant directement l’employeur | 12 | 11% |
Grâce aux relations sociales et familiales | 24 | 21% |
Ma formation académique | 54 | 47% |
NA | 9 | 8% |
Total général | 114 | 100% |
Le fait que presque la plupart des diplômés a déjà connu au moins une année de chômage signifie que le diplôme (47%) ne suffit pas à lui seul pour assurer l’accès à l’emploi. Au-delà de la qualification, le monde du travail exige d’autres conditions ci-haut évoquées. Aussi d’autres stratégies sont souvent développées par les diplômés pour assurer leur insertion professionnelle. Il s’agit, par exemple, de l’insertion dans ce qu’on appelle le « cercle des grands » influenceurs de certains employeurs, l’appartenance à des partis politiques ou communautés religieuses, la demande d’un stage bénévole, etc.
Revenant à l’importance du diplôme, 82% et 71% d’individus sont respectivement convaincus que l’institution ou l’université fréquentée et la faculté ou la filière d’étude peuvent favoriser l’accès facile à l’emploi. Ainsi, ont-ils présenté quelques filières de formation où l’accès à l’emploi est soit facile soit difficile. Si la tendance a été de privilégier les filières techniques qui permettent d’orienter les diplômés vers les métiers libéraux, plusieurs découragent les filières qui ne permettent pas aux ressortissants de se lancer dans l’emploi en autonome. Ils citent par exemple, les sciences sociales, politiques et administratives. Par contre, d’autres pensent que toutes les filières peuvent être prometteuses pourvu que chacun exploite les opportunités d’emploi qui s’y présentent. Partant, en tenant compte de principales facultés organisées par l’Université Catholique du Graben d’où sont ressortis les répondants de cette étude, le nombre d’années de chômage par faculté est présenté dans le tableau ci-dessous.
Tableau 4. Durée de chômage par faculté fréquentée
Nbre années chômage | Faculté | ||||||||
Agronomie | Droit | Économie | Médecine humaine | Médecine vétérinaire | Pharmacie | SSPA | Total général | % | |
0 | 3 | 2 | 2 | 7 | 6 | ||||
1 | 11 | 8 | 13 | 3 | 3 | 3 | 42 | 37 | |
2 | 6 | 3 | 17 | 6 | 3 | 35 | 31 | ||
3 | 3 | 1 | 4 | 4 | |||||
4 | 1 | 3 | 4 | 4 | |||||
5 | 4 | 4 | 4 | ||||||
6 | 4 | 2 | 6 | 5 | |||||
7 | 3 | 3 | 3 | ||||||
NA | 3 | 3 | 3 | 9 | 8 | ||||
Total général | 24 | 15 | 45 | 15 | 6 | 3 | 6 | 114 | 100 |
Le manque d’emploi depuis la fin de leurs études ou les longues années de chômage allant au-delà de trois ans se retrouvent indistinctement dans toutes les facultés. Les raisons n’ayant pas été fait objet d’enquête, il s’agit d’une interpellation bien évidente que le chômage des universitaires demeure une réalité préoccupante qui doit attirer l’attention tant des
autorités académiques que des planificateurs gouvernementaux. Ces faits constituent une preuve tangible que le système éducatif de l’enseignement universitaire congolais semble encore rigide aux transformations du marché du travail et exposent leurs ressortissants au chômage. De différentes raisons, les enseignements y sont plus théoriques et accordent moins d’espace aux heures pratiques qui représentent à peine le tiers du volume horaire. Et lorsque certains en prévoient, ceux-ci se déroulent encore à l’auditoire et ne permettent pas aux étudiants d’être en contacts avec le monde professionnel. Dotés des connaissances théoriques d’ordre général, les diplômés manquent des connaissances spécifiques pouvant assurer leur insertion professionnelle en exerçant un métier après
les études. D’où l’inadéquation entre la formation universitaire et les caractéristiques du marché de l’emploi. Ce qui exige de revisiter la relation université – marché de l’emploi comme une panacée au chômage des diplômés. C’est à propos que tous les enquêtés reconnaissent unanimement que le chômage oblige certains diplômés d’université à s’engager dans des activités informelles (100%) et à s’inscrire dans des formations professionnelles (90%).
4.2. Un plaidoyer pour la valorisation économique des connaissances universitaires
Le recours aux formations professionnelles après les études constitue un signe avant-coureur pour revisiter le système éducatif universitaire. Il s’agit de prévoir des enseignements techniques à l’université et insister sur l’importance de l’entrepreneuriat comme un aspect transversal de chaque enseignement en insistant sur la valorisation économique des connaissances académiques. Marchandisation des connaissances ou marchéisation des universités, entrepreneurialité, elle consiste à transformer les savoirs fondamentaux en nouveaux produits et services marchands. En d’autres termes, les universités doivent intervenir positivement et sans tarder dans la création immédiate et directe de valeur. Cette valorisation peut prendre plusieurs formes dont l’octroi des licences d’exploitation à des sociétés existantes, la signature de contrats de recherche par les universités et les centres publics de recherche avec les entreprises, l’exploitation des résultats de la recherche, la mobilité des chercheurs, la création d’activités nouvelles (spin-offs universitaires) ou entreprises par les chercheurs eux-mêmes, etc. (Bernatchez, 2010; Janssen & Julien, 2016, p. 373‑374; Laperche, 2002, p. 172‑173; Laperche & Uzunidis, 2011, p. 168; Mailhot et al., 2007).
Au-delà de ses multiples avantages liés au contrôle sur l’exploitation faite de leurs brevets et de prendre des participations financières dans différentes sociétés, la valorisation favorise les universités à constituer autour d’elles un réseau d’entreprises de haute technologie pour des collaborations en matière d’enseignement (stages des étudiants) et de recherche (Janssen & Julien, 2016, p. 376). Ce qui permet d’assurer la viabilité financière des universités qui constituent finalement un tremplin de création d’emplois pour les universitaires. Et comme cela ressort des préoccupations des enquêtés, il est question de revisiter la relation universités – entreprises / industries par la qualité de la formation et l’organisation pratique des stages (75%) en créant des activités et projets permettant d’occuper les diplômés (65%). Dans le file des propositions d’amélioration de l’employabilité des diplômés reviennent également la promotion des filières porteuses orientées vers la reconstruction du pays, le renforcement des formations sur l’entrepreneuriat, les enseignements par objectifs de carrière, la création des entreprises par les universités, etc.
4.3. Le rôle de l’entrepreneuriat comme une alternative au sous-emploi des diplômés
Les différentes réponses sur ce que les universités devraient améliorer pour assurer l’employabilité de leurs diplômés sont revenues sur la sensibilisation des étudiants et des enseignants à l’approche entrepreneuriale comme une alternative au sous-emploi ou mieux au chômage (80%). Il est question de militer pour leur employabilité surtout comme un travailleur autonome et/ou indépendant. C’est dans cette optique que la plupart des gouvernements, écrit Frank Janssen (Janssen & Julien, 2016, p. 19), insistent d’ailleurs sur la nécessité de sensibiliser davantage les étudiants à l’entrepreneuriat afin de stimuler la création de valeur et, par conséquent, le développement économique. En raison de l’évolution du monde du travail qu’ils intégreront après les études, les étudiants doivent être à même de comprendre et d’intégrer une dimension économique, voire entrepreneuriale, dans leurs démarches professionnelles. Une sensibilisation à l’entrepreneuriat peut les amener à envisager de créer une activité nouvelle, créatrice de valeur et d’emplois, ou tout simplement à prendre leur avenir professionnel en main. Les grandes entreprises, les ONG, les pouvoirs publics… recherchent également des jeunes diplômés entreprenants. La société, dans son ensemble, a besoin d’individus ayant l’esprit d’entreprendre.
En reprenant les phrases d’Yvon Gasse (2011, p. 22), en traitant de la démarche entrepreneuriale au niveau de l’Université de Laval, la démarche intégrée de l’entrepreneuriat vise à « transmettre aux étudiants l’esprit entrepreneurial et les valeurs s’y rattachant ; consolider et développer la formation, la recherche et les services en entrepreneuriat ; supporter l’ensemble des types d’entrepreneuriat ; instaurer une démarche d’accompagnement personnalisée de l’idée à la réalisation du projet et ; avoir des liens forts avec les milieux ». De manière concrète, insiste-t-il, il s’agit d’abord de former des étudiants aptes à devenir non seulement des entrepreneurs capables de reconnaître et saisir les nouvelles occasions d’affaires mais aussi et surtout des agents de changement qui pourront travailler dans les organisations existantes et contribuer à leur renouvellement. Toutefois, pour la réussite de cet entrepreneuriat, le goulot d’étranglement reste le climat des affaires en vue de mitiger les procédures administratives de création d’entreprises lesquelles, couplées à la corruption et aux tracasseries administratives, découragent souvent les investisseurs et les jeunes entrepreneurs.
Conclusion
Le système éducatif congolais a toujours encouragé les jeunes à obtenir des diplômes de niveau supérieur. Malheureusement ces derniers se retrouvent en chômage suite à l’inadéquation qualitative et quantitative entre l’offre du travail et les besoins du marché. D’un côté, on rencontre un nombre élevé des diplômés par rapport aux emplois créés. Et lorsque certains emplois sont disponibles, certains ne recourent pas aux cadres universitaires hautement qualifiés en engageant les moins qualifiés ou encore certains diplômés ne réalisent pas les exigences des postes disponibles. D’où le cercle vicieux du chômage des jeunes diplômés, l’investissement en capital humain n’étant plus rentable au profit parfois du capital social et des pratiques déviantes d’accès à l’emploi dont le clientélisme, la corruption et autres pratiques maffieuses et malsaines d’emplois sexuellement acquis. Ce qui oblige les universitaires au chômage ou alors à exercer des emplois de pacotille.
Pour diminuer le chômage des jeunes diplômés, il importe de maintenir une forte croissance économique et une amélioration du système d’éducation et de formation en l’adaptant aux besoins du marché. Face au chômage généralisé des jeunes, certaines mesures de politique de l’emploi favorisant leur insertion professionnelle préconisent des formations en alternance, les parcours individualisés d’accompagnement vers l’emploi. Il s’agit concrètement, comme le proposent certains auteurs (Aeberhardt et al., 2011, p. 153), de réduire le coût du travail pour les employeurs pour compenser le déficit d’expérience professionnelle des jeunes, accroître leur qualification pour améliorer leurs chances d’accès à l’emploi. Une autre panacée plus pratique consiste à la sensibilisation des étudiants et des enseignants aux principes fondamentaux de la création et de la gestion d’une entreprise. En sens, au-delà de la refondation du système éducatif universitaire, favoriser l’esprit d’entreprise ou l’entrepreneuriat chez les étudiants permettra de réduire le chômage des diplômés.
En dernière analyse, la RDC a besoin d’une éducation basée sur les incitations à la création des richesses plutôt qu’à la redistribution. Cette dernière caractérise une société où l’école est perçue plutôt de pourvoyeur d’emploi qu’un mécanisme de création de l’emploi. Au lieu de servir à la création de la richesse, les diplômes de grande facture servent à accéder à des bons postes. Quand le gouvernement ne sait pas planifier l’avenir en anticipant les problèmes auxquels devra faire face le système éducatif, celui-ci ne constitue donc pas la solution mais plutôt le problème à résoudre. William Easterly (2006, p. 106) le reconnait d’ailleurs en ces termes : « La qualité de l’instruction n’est pas la même dans une économie confrontée à des incitations à investir dans l’avenir que dans une économie qui en est dépourvue ». Si le Congo a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée pour son développement, l’amélioration de la qualité et de la compétitivité de son enseignement implique les efforts de moults experts en vue de mettre à niveau le programme de l’éducation. À travers les ministères de tutelles de l’éducation nationale, les promoteurs des écoles et le gouvernement comprendront la nécessité d’ériger des écoles techniques et de formation professionnelle à travers le pays, dans un système de territorialisation de l’enseignement selon les besoins et les potentialités productives de chaque zone, pour former cette main-d’œuvre.
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☆ Chômage et accès au premier emploi des jeunes diplômés d’universités : points de vue d’anciens universitaires
Received 15 December 2022; Accepted 30 January 2023
Available online 10 February 2023
- Depuis près de 6 ans, en 2016, j’ai créé un groupe WhatsApp à l’intention des étudiants que j’accompagne en TFC et mémoires en vue de leur partager les offres d’emploi après les études. C’est d’ici déjà que j’ai senti le degré de chômage des jeunes diplômés. ↑